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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Aux Metz, jeudi matin [17 septembre 1835], 8 h. ¼

Bonjour, mon Toto, bonjour. Il fait fameusement beau. Nous allons être bien heureux, nous allons recommencer notre vie d’oiseaux, notre vie dans les bois, notre vie d’amour en liberté. Je suis ravie. Si tu étais là, je te baiseraisa de toutes mes forces pour t’apprendre.
Comment que vous avez passé la nuit ? M’avez-vous aiméeb, m’avez-vous écrit sous mon vieux châtaignier ? Je suis sûre que non. Méchant homme, va, je t’aime encore davantage, on dirait, de tout ce que tu ne m’aimes moins.
Je n’ai pas pu lire tard hier au soir et je me suis couchée à 10 h ¼. J’ai fait d’assez vilains rêves cette nuit. J’espère qu’ils ne se réaliseront pas mais je voudrais recevoir des nouvelles de ma pauvre petite fille que nous oublions trop. Si je suis encore deux jours sans lettre, j’écrirai à Saumur, car je suis vraiment inquiète [1].
Mon bon cher petit Toto, je vais m’habiller pour être plus tôt auprès de vous. Je vous aime, je vous aime tout plein et puis encore je vous baise partout ! je vous adore en entier !
À tantôt.

Votre Juliette

BnF, Mss, NAF 16324, f. 264-265
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je je te baiserais ».
b) « m’avez-vous aimé ».


Aux Metz, [17 septembre 1835]a, jeudi soir, 8 h. ¾

Mon bon cher Toto, je serais arrivée sans accident grave à la maison, n’était la rencontre d’un énorme et affreux crapaudb dans le chemin creux, ce qui m’a fait pousser un cri sauvage et prendre ma course comme si le diable m’emportait. Je suis arrivée à la maison à 7 h. 10 m. J’ai commencé à dîner à 8 h. 5 m., et à l’issue de mon dîner, je t’écris pour te remercier de tout le bonheur que tu me donnes : cette journée toute trempée de pluie est une des plus belles et des plus heureuses de ma vie. S’il y avait des arcs-en-ciel dans le paysage, il y en avait aussi dans nos cœurs qui correspondaient de notre âme à notre âme comme d’un bassin à l’autre. Je te remercie pour les belles choses que tu me fais admirer et que je ne verrais pas sans toi et sans le secours de ta belle petite main blanche sur mon front. Mais une chose plus belle et plus grande encore que toutes les beautés du ciel et de la terre et pour laquelle je n’ai besoin d’aucune aide pour voir et pour admirer : c’est toi, mon bien-aimé, c’est ta personne que j’adore, c’est ton esprit que j’admire et qui m’éblouit. Pourquoi ne suis-je pas poète ? je dirais tout ce que je pense et tout ce que je sens, mais je ne suis qu’une pauvre femme qui aime et celle-là n’est pas celle qui se fait comprendre le mieux. Bonsoir, mon adoré, bonsoir, mon chéri, dors bien, je te baise.

10 – Icartc

BnF, Mss, NAF 16324, f. 266-267
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) Date rajoutée sur le manuscrit d’une main différente de celle de Juliette.
b) « crapeau ».
c) Note écrite d’une autre main que celle de Juliette. Louis Icart était le propriétaire des lettres de Juliette Drouet acquises par la BnF en 1869.

Notes

[1Claire Pradier, fille de Juliette Drouet et du sculpteur James Pradier, est alors âgée de neuf ans, et est en pension chez Mlle Watteville à Saumur.

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