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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 avril 1843, dimanche matin, 11 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon cher adoré. Comment vas-tu, comment m’aimes-tu ce matin ? J’espérais que tu serais venu te reposer auprès de moi. J’ai été trompée dans mon espoir. Cela m’arrive assez souvent pour n’en être pas étonnée, n’est-ce pas ? Eh ! bien c’est tout le contraire. Le chagrin de ne pas te voir est aussi vif que la première fois ; de même le plaisir d’être avec toi est aussi grand, aussi nouveau, aussi ravissant que la première heure où nous nous sommes possédés. C’est pour cela, mon adoré, que je te dis toujours les mêmes choses depuis plus de dix ans : – reproches ou remerciements, plaintes ou espoirs je n’ai que deux cordes que tu fais vibrer tout à tour : la tristesse ou le bonheur. Et plus souvent la première que la seconde. Je t’aime mon Victor adoré comme le premier jour de notre amour. Je t’aimerais plus encore si le plus était possible après l’infini. Pense à moi, mon Toto chéri, et tâche de ne pas me laisser toute cette longue journée sans te voir. Voilà déjà deux fois que tu me fais la promesse d’un petit voyage prochain. Mais, tu m’as tant promis ces deux années passées sans résultat que je n’ose plus me fier à cette dernière promesse. Je n’y croirai que lorsque nous serons dans la diligence. Jusque là, je suis comme saint Thomas.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime et vous ????? Je n’entends pas bien la réponse d’ici : tâchez de venir me la faire dans le tuyau de l’oreille bien vite. Tâchez aussi de m’être bien fidèle ou je vous tue net comme Dominus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 57-58
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


23 avril 1843, dimanche soir, 11 h.

Je ne vous avais pas encore écrit ce second gribouillis tantôt, mon cher scélérat, quand Mme Pierceau est venue. C’est ce qui est cause que je vous l’écris si tard. Je ne suis du reste pas très contente de vous quoique vous soyez très joli et même beaucoup trop joli. Il n’en est pas moins vrai que vous êtes allé à cette répétition de Judith [1] après m’avoir dit que vous n’iriez pas. Il y a aussi une certaine clef chez moi dont je ne comprends pas trop la présence. Enfin tout ça n’est pas clair et j’ai besoin d’une fameuse explication pour croire à votre innocence. En attendant, je suis presque sûre que vous me trompez et que vous êtes un infâme scélérat. Je vais me coucher avec cette pensée couleur de rage et un mal de tête couleur de migraine. Tâchez de ne pas me laisser trop longtemps aux prises seule avec cette ravissante compagnie car vous pourriez bien me retrouver [illis.] derrière ma porte.
J’espère que cette bonne Madame Pierceau fait un tour de force avec vos [chausses ?] ! 12 [illis.] et 15 [illis.] meilleur marché que les vôtres et beaucoup plus finies et beaucoup plus solides. Décidément la bonne foi des marchands ne m’inspire qu’une confiance médiocre. C’est comme votre fidélité : taisez-vous, monstre, vous devriez rougir de honte si vous aviez du cœur. Je vous attends avec plusieurs triques.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 59-60
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1La première représentation de Judith de Delphine de~Girardin a lieu le 24 avril au Théâtre-Français.

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