Paris, 2 octobre [18]77, mardi matin, 10 h. ½
Toi aussi, mon cher petit homme, tu payes ton tribut au changement de la saison, mais sans te plaindre comme nous le faisons, nous simples humains. Cependant, tu feras bien de ne pas garder plus longtemps cette bête d’indisposition qu’un peu d’eau de riz peut faire disparaître. Et, à moins que tu ne t’y opposes, j’en vais faire faire pour toi ce matin. Quant à moi, je suis presque tout à fait bien aujourd’hui ; mes douleurs sont calmées et ma tête moins vide qu’hier. J’espère que tout sera fini d’ici à ce soir pour toi comme pour moi. Ce qu’il nous faudrait, à l’un comme à l’autre, ce serait un peu de tranquillité et de repos, ce qui est assez difficile avec tes habitudes de travail et la politique de notre cher gouvernement. Il est vrai que le miroir que tu lui mets sous les yeux est fait pour le faire reculer devant sa propre hideur. Et à ce propos, je crois que Rey est un peu jaloux de la grande, grande, grande place que tu fais à Schoelcher dans ton livre Histoire d’un crime. Il est vrai que si tu faisais une part égale d’honneur à tous ceux qui étaient à la peine, tes deux livres n’y suffiraient pas. Je le sais par moi-même et je m’y résigne modestement comme c’est mon devoir en ne gardant que le droit de t’aimer, de t’admirer, de te vénérer et de t’adorer [1].
BnF, Mss, NAF 16398, f. 267
Transcription de Guy Rosa