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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 mai 1842

10 mai [1842], mardi soir, 8 h. ¾

Dites-donc vous, je vous trouve pas gêné encore de ne pas revenir sous prétexte que vous êtes venu une petite lichette ce matin. C’est ça qui est gentil grosse bête. Une autre fois je ne vous lâcherai pas, soyez tranquille. La baronne de Montoliaou (en français Montalieu) se joindra à moi pour vous enchaîner, ça sera gentil comme vous voyez. Baisez-moi vilain perdreau et soignez votre éruption, qualifiée de roséole pour flatter votre manie. La mère Franque est venue tantôt pendant que je me peignais mais pour lui faire voir le tour j’ai mis un turban sur ma tête et elle n’y a vu que du feu. Du reste elle part demain, pour Rouen par le bateau à vapeur La Dorade. De là elle poussera jusqu’au train et jusqu’à Dieppe. Si elle trouve une petite perruche pas chère et qui parle elle me l’apportera. Elle te fait bien des mamours et elle nous remercie bien de notre hospitalité cela va sans dire. Elle est en ce moment la plus heureuse des femmes. Je voudrais bien pouvoir en dire autant ; hélas ! Je n’en suis pas là, tant s’en faut qu’au contraire et pour peu que cela continue nous n’aurons pas encore de voyage cette année par exemple. Je ne réponds plus de rien et je promets de me laisser crever plutôt que de rester comme une vieille sempiternelle au fond de ma chambre. J’y suis plus décidée que jamais. Ainsi vous pouvez me retenir mon terrain d’avance. Dites-donc mon petit Toto est-ce que vous ne ferez rien pour m’empêcher d’en venir là ? c’est pourtant bien terrible d’avoir là un homme qui peut vous rendre la plus heureuse des femmes et qui ne le veut pas. Hé ! bien tu y mets de l’entêtement et bien moi aussi et tu verras si je te tiendrai parole. En attendant je trouve très assuré que vous soyez venu une miette ce matin pour ne pas venir ce soir. C’est fort bête et fort absurde et vous mériteriez bien que je me fâche une bonne fois pour toute. Baisez-moi scélérat.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 29-30
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

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