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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 juin 1872

Paris, 19 juin [18]72, mercredi matin, 6 h.

L’accident d’hier, mon cher bien-aimé, te montre plus que je ne le voudrais à quel point je suis finie et archifinie comme femme active et utile. Je ne suis plus bonne qu’à t’aimer dans un coin d’hospice de la vieillesse. Car quant à consentir à être livrée sans défense à des domestiques, je ne le ferai pas tant qu’il me restera une lueur de raison. Dès aujourd’hui même je te prie de tenir compte de ma recommandation comme préface de mon testament que tu as entre les mains depuis longtemps. Et à ce sujet je t’engage aussi à te préoccuper dès à présent des affaires d’intérêt auxquelles je n’ai jamais rien entendu, si ce n’est de te les remettre intactes comme tu me les as confiées. Je t’écris cela, mon pauvre bien-aimé, en prévision d’un état maladif que je redoute plus que la mort pour toi et pour moi. Je te supplie de tenir compte de ma prière comme si elle te venait d’outre-tombe. Si, comme je le crains, je dois faire un stage plus ou moins long avant d’entrer dans la mort définitive, que je sois placée dans une maison de santé ou dans un hospice, le mot importe peu, mais pas de servantes, pas de servantes je t’en supplie au nom de ce que nous avons de plus sacré, au nom de nos quarante ans d’amour. Mon âme te sourit et te bénit.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 174
Transcription de Guy Rosa


Paris, 19 juin [18]72, mercredi soir, 6 h.

Je fais force de cœur et de courage, mon cher bien-aimé, pour mener à bien et jusqu’au bout ton festival de ce soir. Mais dans le cas où les forces me manqueraient, je te prie de ne pas m’en vouloir et de ne pas t’en inquiéter. Voilà un temps d’ailleurs qui explique et qui excuse bien des malaises. J’espère que la triste explication que nous avons eue n’a pas laissé de trace douloureuse en toi. Quant à moi je crois à la sincérité absolue de tout ce que tu m’as dit. Cependant je suis plus convaincue que jamais de la nécessité pour moi de ne me laisser conduire ni servir par aucune servante dans le cas prévu où je ne pourrais plus ni les diriger ni les commander moi-même. Je te le demande avec prière et au nom de tout ce que tu as de plus sacré sur la terre et au ciel. Je baise avec humiliation et avec adoration les tristes traces de ma [illisible].

BnF, Mss, NAF 16393, f. 175
Transcription de Guy Rosa

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