Guernesey, 10 mai [18]70, mardi matin, 6 h.
Bonjour, mon cher grand bien-aimé, bonjour, joie et bonheur si tu as passé une très bonne nuit, comme je l’espère. Il fait encore ce matin un vilain temps froid et grognon qui consterne toutes les fleurettes de mon jardin. Heureusement cela n’empêche pas les oiseaux de chanter et mon cœur de t’aimer et de te bénir. J’espère que tu n’auras que de bonnes nouvelles aujourd’hui de tes enfants, de tes amis Meurice et Vacquerie et du Rappel. Il est probable que le numéro d’hier aura été pris à la poste. Je le regrette parce qu’il fait un vide dans la douce habitude que j’ai prise à la lecture de ce vaillant journal. Je le regretterais bien davantage encore s’il m’était prouvé que, dans ce numéro manquant, il y a un article de tes chers enfants : c’est déjà bien assez malheureux de n’y pas voir assez souvent leur nom glorieux et aimé. En attendant que tout s’explique, je t’adore de toute mon âme.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 129
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette