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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 mars 1870

Guernesey, 24 mars [18]70, jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé. Ce cliché quotidien a cela de contraire à ceux de tes éditeurs qu’il se grave plus profondément dans mon cœur chaque fois que je m’en sers. Mon amour tout entier n’est qu’un immense cliché qui n’a reçu aucune variante ni subi aucun effacement depuis ton premier baiser. Je t’aime comme le premier jour. Je t’aime, je t’aime, je ne sors pas de là.
Comment as-tu passé ta nuit, mon cher adoré ? Si j’en jugeais par la mienne je te plaindrais. Mais j’espère que tu as eu le bon esprit de dormir comme un NOIR. Le temps est assez grimaud [1] ce matin. Ce n’est pas une raison pour que je renchérisse sur sa maussaderie en geignant plus qu’IL N’EST BESOIN. D’ailleurs je vais très bien ce matin. En général mes bobos dorment le jour et s’éveillent la nuit. Il y a beaucoup de gens heureux qui font la même chose et qui ne s’en plaignent pas et je veux faire comme eux. Il me tarde de lire l’article de ton Charles [2]. Je me hâte de mettre mes petites pattes de mouches dans les grandes pour arriver plus vite à ce but. Pour cela, je te donne mon cœur, ma pensée, mon âme pêle-mêle, tête-bêche. Tire-toi de là comme tu pourras.

BnF, Mss, NAF 16391, f. 84
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette

Notes

[1Grimaud : Maussade.

[2Sous le titre « Chroniques révolutionnaires. Les Cachots de M. Ollivier », Charles Hugo a fait paraître dans Le Rappel du 20 mars 1870 un article protestant contre l’iniquité des conditions de détention, d’un côté, de Pierre Bonaparte, à la Conciergerie, de l’autre, des détenus politiques à la Santé ou à Mazas : le premier, assassin du journaliste Victor Noir et cousin de l’empereur, reçoit les siens et vit somptueusement en attendant son acquittement prévisible ; de l’autre, les opposants républicains accusés depuis février de comploter contre le régime sont traités avec une rigueur croissante, et privés non seulement de liberté de mouvement, mais aussi, fait nouveau, de liberté d’expression.

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