Guernesey, 12 avril [18]70 , mardi, 6 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, comment la nuit ? La mienne très bonne mais cela ne suffit pas il me faut surtout et avant tout que tu aies bien, bien, bien dormi. Qu’avez-vous à répondre ? Que dîtes-vous de ma surprise gastronômique [1] ? Je regrette que mon budget, ou plutôt mes fonds secrets, n’aient pas été plus grands pour vous en faire encore. J’espère au voyage prochain me faire ouvrir un crédit plus large auprès de votre auguste personne. J’espère aussi que les bons Duverdier auront une belle et bonne traversée si le brouillard ne s’en mêle pas. Jusqu’à présent il n’est pas gênant mais je crains qu’il n’augmente à mesure que le soleil montera. Dans le cas où ils ne pourraient pas partir j’ai encore de quoi les nourrir dans mon garde-manger et un fond inépuisable de cordiale hospitalité à leur servir [2]. Donc tout est bien, soit qu’ils partent ou qu’ils restent. Il me semble qu’il y a plusieurs siècles que je n’ai pas lu Le Rappel. Je vais m’y plonger jusqu’au cœur tout à l’heure… après que je t’aurai baisé dix cent millea.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 103
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « milles ».