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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 décembre [1836], mardi soir, 5 h. ¾

Maintenant que vous n’êtes pas là, je puis vous dire que je vous aime comme jamais vous n’avez été aimé. Si vous n’êtes pas sensible à cela, vous êtes une bête et une vieille bête. Je suis très reconnaissante de votre petite station dans mon lit. Je dois avouer même que je suis très contente de vous et que je vous admire. Pourquoi me donnez-vous si rarement d’occasion de le faire ?
Malheureusement en voici pour longtemps, du Bonheur. Vous en êtes un peu CHICHE. Il est cependant bien bon le bonheur.
Si vous sentiez comme moi vous y reviendriez plus souvent. Mais, je ne veux pas insister sur ce point, ma dignité et ma pudeur de vieille femme s’en effaroucheraient.
Me voici de nouveau dans les drogues jusqu’au cou. Que le diable les avale pour moi, je ferai la grimace pour lui et tout ira bien. En attendant je vous aimerai comme si vous m’en aviez donné la permission, je penserai à vous tant que j’aurai de force et je vous désirerai comme si je ne vous avais pas vu d’aujourd’hui.
Je vais copire vos gribouillis, après quoi je me débarbouillerai, je souperai et je me coucherai, à moins que vous n’ayez la faiblesse de venir me chercher pour faire des visites académiques [1].
Je vous remercie mille fois, mon cher petit homme, de votre généreuse munificence : 7 F. 10 s, dont je ne vous rendrai aucun compte  ! Mais vous êtes donc devenu tout à coup un pacha, un soudan [2], un homme magnifique enfin. 7 F. 10 s dont je ne vous rendrai aucun compte. Décidément vous êtes un généreux homme ! Vais-je m’en donner ! 7 F. 10 s. à moi toute seule, dont je ne devrai compte à personne.
Oh ! mais c’est pour en devenir stupide ! Je crois même que je pourrais l’être pour moitié moins, pour rien même si vous m’en pressiez beaucoup. 7 F. 10 s., fichtre !...
Je m’arrête parce que je crains de dépenser plus que mes 7 FF. 10 s. en reconnaissance, en admiration, en adoration et en stupéfaction. Oh ! mes bons, mes chers, mes ravissants petits 7 ff. 10 s., que je vous n’aime [3].
Bonjour, bonjour, merci, merci, Toto, Toto. À bientôt, jamais assez tôt mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16328, f. 237-238
Transcription de Claudia Cardona assistée de Florence Naugrette

a) « mugnificence ».

Notes

[1Hugo est candidat à l’Académie Française, mais ne sera élu qu’en 1841.

[2Soudan : sultan.

[3La négation comique est volontaire.

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