18 août 1860

Guernesey, 18 août 1860, samedi matin, 7 h.

Bonjour mon bien-aimé, bonjour. Chacune des lettres de mon bonjour est faite d’un baiser et d’une parcelle de mon âme. Aussi je le répète tous les jours et je le multiplie le plus que je peux pour t’en donner davantage. Comment as-tu passé la nuit, mon cher adoré ? Comment va ta gorge ce matin ? J’espère que tu ne t’en ressens plus et que tu as pris soin de te bien garantir de cette affreuse humidité de plus en plus envahissante. Ce matin encore il fait un froid et il tombe une pluie tout à fait malsains et inquiétants. Je t’en conjure, mon bien-aimé, prends tes précautions pour te soustraire à la pernicieuse influence de ce mauvais été. Surtout ne sors pas avec des chaussures percées, je te le recommande par-dessus^a tout et d’une manière tout à fait égoïste, car ta santé c’est plus que ma vie. Ne mets pas tes affaires de lit près de ta fenêtre aujourd’hui parce que le vent chasse toujours un peu de pluie dessus. Enfin sois prudent, mon cher petit homme, car tu sais que l’humidité est ton ennemie personnelle comme à moi.
J’espère que je vais enfin prendre possession de mon damas aujourd’hui. Ce ne sera pas de gloire car la garniture de mon lit s’en va chaque jour par petites loques. Mais tout cela ne me fait rien. Ce qui m’importe c’est que tu te portes bien, c’est que plus rien de mauvais ne se mette entre nous, c’est que nous nous aimions comme si nous n’étions plus déjà que deux âmes soudées ensemble pour l’éternité.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 217
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « pardessus ».