10 août 1860

Guernesey, 10 août 1860, vendredi matin, 7 h. ¾

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, aime-moi, je t’aime de toute mon âme. Comment as-tu passé la nuit, mon adoré petit homme ? Tu n’as pas encore ouvert ta fenêtre malgré le beau soleil. J’espère que c’est un bon signe qui veut dire que ton sommeil dure encore. Tant mieux dans ce cas-là, mon cher petit paresseux, dors bien et ne te réveille pas encore. à propos Spring est déjà à notre porte réclamant sa pitance du matin et assez gaillardement pour un pauvre chien moribond hier. Il faut avouer que ce pauvre martyr a la vie dure et qu’il y a bien longtemps qu’un chien ordinaire aurait passé la queue à gauche [1]. Je suis très contente que cette pauvre bête en soit quitte encore cette fois-ci quoique son sort ne soit rien moins qu’heureux ; mais il semble que la mort violente, même pour une bête, soit plus lugubre que la mort naturelle. Aussi, je le répète, je suis très contente que ce pauvre vieux chien soit encore de ce monde. Il est huit heures et ta fenêtre continue de rester close malgré le va-et-vient des photographes [2]. Pourvu^a que tu ne sois pas souffrant, mon cher petit homme ! J’ai hâte de te voir pour savoir à quoi tient ce sommeil prolongé. Peut-être es-tu sorti déjà ? Enfin que Dieu te protège dans ta santé et dans mon amour et que rien ne trouble ton bonheur et ma sécurité.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 210
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « pourvue ».-