Guernesey, 18 décembre, [18]65, lundi matin, 7 h. ¾
Je craignais de te trouver déjà sur piedsa, mon pauvre bien aimé, mais je vois avec bonheur cette fois que je me suis trompée. J’espère que ce retard dans ton activité implacable est un bon signe et que cela veut dire, contrairement aux autres retards, que tu as passé une vraie bonne nuit. Quant à moi, j’ai assez bien dormi, malgré mon petit dérangement de corps qui persiste encore [1]. Cela me GÊNE, comme dit le docteur, pour sortir tantôt. Cependant, comme il faut que cette visite se fasse avant Noël [2], je risquerai l’AVENTURE. À ce propos, j’ai bien peur que nos caisses ne soient perdues, car tu aurais dû recevoir une lettre d’expédition de Hudig et Vederb [3] pour ces colis [4] comme celle que tu as reçue hier pour la porte te donnant avis qu’elle est en route pour Guernesey. Si cela est, comme je le crains, c’est une véritable calamité. Car, outre la perte vénale, c’est la perte d’occasions qui ne se représenteront jamais, du moins pour moi. Mais, puisqu’il faut donner quelque chose à la mauvaise chance, c’est de grand cœur que je lui offre ces rares bibelots qui m’étaient échus en partage, à la condition que tu seras quitte de tout mal et de tout ennui. Si la providence accepte la proposition, j’y tope de toute mon âme et je renonce à jamais à mon cher petit bénitier, à ma belle petite lanterne et à mes deux gros ZOLLANDAIS. Ce à quoi je ne renonce pas, vivante ou morte, c’est à votre amour. Et maintenant tirez-vous de là comme vous pourrez pour votre compte. Le mien, c’est de vous adorer.
BnF, Mss, NAF 16386, f. 210
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette
a) « pied ».
b) « Hudig et Veters ».