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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 mars 1842

10 mars [1842], jeudi après-midi, 3 h.

Jouissez de votre reste bien vite, mon cher petit scélérat, car je vous préviens que je ressuscite à vue d’œil et que bientôt je m’attacherai à tous vos pas comme une vraie furie enragée [1]. En attendant, dépêchez-vous d’employer le temps qui vous reste à faire toutes vos turpitudes, car après cela [il] vous sera assez difficile, je vous en préviens en bonne femme que je ne suis pas. Quel beau temps hier et aujourd’hui, cela vous fait venir la vie à la bouche et bien d’autres chosesa encore, mais je ne veux pas vous le dire pour ne pas vous effrayer. En attendant je voudrais bien savoir où vous êtes, ce que vous faites, qui vous regardez et ce que vous dites. Vous ne devez pas encore être à l’Académie et si vous y êtes, il est probable qu’au lieu de discuter la lettre A comme c’est votre devoir, vous regardez passer les FAUMES et autres marchandisesb de ce genre le long du quai et sur le Pont des Arts. Prenez garde que je vous y prenne, sapeur, et que je ne vous donne une GACLÉ [2] soignée dont vous vous souviendrez toute votre vie. Prenez garde scélérat.
Je continue à me porter comme plusieurs charmes. D’ici à très peu de jours je reprendrai mon petit train-train et tous mes petits tripotages que j’ai abandonnés avec tant de regrets surtout, et uniquement, celui qui concerne vos beaux yeux. Mais voilà que je remonte sur ma bête et que je vais reprendre la direction de votre personne, de votre santé et de VOTRE CONDUITE. Je vous conseille dès à présent à reprendre l’habitude de marcher droit si vous ne voulez pas encourir les plus grandes volées qui de mémoire d’homme soient jamais tombées sur le casaquin de votre sexe. C’est bête comme tout ce que je vous dis là [3] mais je vous aime.

BnF, Mss, NAF 16348, f. 151-152
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « d’autre chose ».
b) « autre marchandise ». 

Notes

[1Juliette a été malade au mois de février, elle est entrée en convalescence au début du mois de mars.

[2Croisement entre « une gifle » et « une râclée ».

[3Citation tirée de la pièce Ruy Blas, Don César s’adressant au Laquais : « C’est bête comme tout, ce que je te dis là. », Acte IV, scène 3.

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