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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Aux Metz, mardi soir [7 octobre 1835 [1]], 7 h. 20 m.

Oui, je t’aime ; oui, je t’aime. Je n’ai fait que cela toute cette journée et à l’heure où je t’écris, j’ai le cœur plein et débordant d’amour. Je t’adore.
Méchant garçon qui me demandiez tantôt si je ne me ferais pas de reproche dans le cas où vous seriez malade. Hélas, si ce cas-là arrivait, je ne sais pas si je m’accuserais mais je sais que je serais plus malade et plus à plaindre que vous.
Vous avez été bien maussade tantôt, vous m’avez fait bien du chagrin. Avec celui que j’avais déjà eu dans la journée, c’était trop. Mais tu as été tout à coup si bon et si ravissant, si tendre et si charmant qu’il n’y a pas eu moyen de conserver aucune rancune de tous tes crimes. Aussi je ne suis plus indignée. Je t’aime, je suis heureuse, je ne suis presque plus triste car j’espère que tu viendras cette nuit.
Je suis rentrée à 6 h. 10 m. assez fatiguée de mon genoua, surtout dans ce moment même où il est en repos et étendu sur une chaise, il me fait très souffrir ce qui m’oblige à me coucher tout de suite.
Mais avant, venez que je vous baise, que je vous souhaite le bonsoir, que je vous donne bien de l’amour, que je vous prie à genoux de venir cette nuit, que je vous donne mon cœur, mon âme, ma pensée, ma vie, mon souffle.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16324, f. 338-339
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « genoux ».


Aux Metz, mercredi soir [7 octobre 1835 ? [2]], 7 h.

Mon bon cher bien-aimé, tu m’as trouvéea occupée à faire l’une de tes volontésb, celle d’avoir du lait chez moi chaque fois que je mange des champignons. Ce n’était pas seulement une déférence au désir que tu m’avais exprimé, c’était le besoin de faire acte que je pensais à toi, que je ne pensais qu’à toi, c’était le besoin de parler de toi et de prouver à n’importe quoi ou n’importe qui que je t’aimais, que je t’obéissais, que tu étais mon maître bien aimé. Que ce soit le hasard ou la préméditation qui t’ait ramenéc auprès de moi, je le bénis car j’ai pu te revoir un moment à une heure où j’avais perdud tout espoir de te revoir.
Va, sois sans inquiétude, mon bien-aimé, je t’aime, je te suis fidèle, je suis dévouée à ta tranquillité autant qu’à mon amour, je ne trahirai ni ton amour ni ta confiance.
Depuis que je suis rentrée, j’ai mis mes affaires en ordre, j’ai taillée mes plumes, je t’écris et puis je t’aime et puis, et puis c’est toujours la même chose, je vous aime, je ne pense qu’à vous, à preuve : 6. octobre [1835].1835 [3].
Je m’en vais dîner et je tâcherai de me coucher plus tard qu’à l’ordinaire parce que je ne dors pas bien depuis que je me couche si tôt. Cela dépendra de ma jambe qui est toujours bien lourde et bien douloureuse.
J’espère, mon cher petit amoureux, que si vous sortez ce soir, vous aurez le soin de diriger votre excursion jusque dans un certain jardin et que vous aurez l’esprit de frapper un certain petit coup en prononçant un certain petit nom très charmant  ? : Toto. Alors je vous ouvrirai, alors je serai bien heureuse, alors je vous baiserai bien, et puis je vous baiserai encore, et puis je vous baiserai toujours.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 340-341
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « trouvé ».
b) « volontées ».
c) « ramener ».
d) « perdue ».
e) « taillée ».

Notes

[1En l’absence d’indication sur le quantième et le mois, la succession des lettres dans le classement de la BnF, les jours de la semaine et heures qui se suivent chronologiquement et le contenu des lettres nous invitent à proposer cette datation.

[2En l’absence d’indication sur le quantième et le mois, la succession des lettres dans le classement de la BnF, les jours de la semaine et heures qui se suivent chronologiquement et le contenu des lettres nous invitent à proposer cette datation.

[3Le 6 octobre 1835 est un mardi. Peut-être ont-ils inscrit cette date sur un arbre de la forêt où ils se donnaient rendez-vous.

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