Guernesey 2 janvier [18]70a, dimanche, 8 h du m[atin]
Bum ! jour [1], mon cher bien-aimé, bien-aimé, bien-aimé adoré, bonjour, comment ta nuit ? Comment douleur ? Comment boulet ? J’ai bien envie de me donner encore le luxe d’envoyer savoir tout à l’heure comment tu as passé la nuit et où tu en es de ta dragée d’étrenne. Quant à moi, qui ai eu le bon esprit de me priver de la visite de ce bon docteur Corbin, je me porte à ravir ce matin et j’ai dormi comme plusieurs forts noirs. Ça n’est pas si bête pour un jour de l’an. Il est vrai que j’ai pour cela mon cher petit talisman [2] que je ne peux pas me résoudre à quitter encore au risque de l’user à force de le relire, de le baiser et de le presser sur mon cœur. En ce moment même j’entends son petit frottement sur ma peau comme si chaque mot écrit pressait l’intonation de ta voix, pour me dire : « Sois tranquille, ma bien-aimée, je suis à toi comme tu es à moi dans la vie et dans la mort quel que soit le sort que Dieu nous réserve à nos deux âmes ». Et je te réponds sois béni je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 3
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) Pas encore habituée à la nouvelle année, Juliette a indiqué par erreur « 69 ».