Guernesey, 17 octobre [18]68, samedi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, je t’adore. Je ne te demande pas comment tu as passé la nuit. La présence matinale de ton signal me fait espérer que tu as eu comme moi une très bonne nuit. Je suis bien contente que tu sois délivré du souci de tes pages [1]. J’en suis heureuse pour toi, d’abord, que cela tranquillise, pour moi et pour le public qui reste toujours sur sa FAIM quand il te lit quel que soit le nombre de tes volumes et la quantité qu’ils contiennent. Je crois que je m’explique mal mais je sais que je sens bien ce que je veux dire. C’est à toi à débrouiller ma pensée si elle en vaut la peine. Il y a un vif rayon de soleil dans ce moment-ci mais je ne m’y fie qu’à moitié car le ciel me paraît bourré de pluie jusqu’à la gueule ; sans compter les pincements de mes innombrables rhumatismes pendant que je gribouille ce tas de bébêtises. Le moyen de les oublier et de leur faire la nique, c’est de t’aimer comme je fais à triple cœur et à âme déployée.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 285
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette