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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 décembre [1840], samedi après-midi, 1 h.

Bonjour mon adoré, bonjour mon cher bien-aimé, bonjour. Tu n’es pas venu sans doute pour surveiller tes épreuves [1] ? Moi j’ai fait la paresseuse d’une manière indigne, je suis encore au lit. Après avoir été plus d’une heure avant de m’endormir quand tu as été parti, j’ai dormi jusqu’à ce présent d’un sommeil de plomb dont je ne suis pas encore tout à fait bien éveillée. J’ai là une lettre de Mme Krafft qui me paraît en contenir une autre, peut-être celle qui contient la destinéea du célèbre vendredi mais si tu viens ce soir à 7 h. je ne vois pas trop à quoi pourra lui servir une lettre pour attendrir ses juges de trois heures aujourd’hui ? Dans tous les cas je m’abstiens soigneusement d’ouvrir cette fameuse lettre car je sais que tu n’admets aucune circonstance atténuante et je me garde bien de m’y frotter. Je voudrais déjà que la chose sans nom fût imprimée et publique pour voir l’ébahissement des bourgeois et l’éblouissement des hommes intelligents qui liront cette sublime chose. Je persiste à l’appeler chose parce que je ne sais pas son véritable nom et que je sais encore moins quelle qualification superlative lui donner attendu que je les ai toutes épuisées sans succès, la chose étant toujours au-dessus et les éloges en bas comme l’eau sous l’huile. J’y renonce donc et je m’en tiens à ce titre de la chose, la chose merveilleuse, la chose sublime, la chose idéale, la chose inépuisable, la chose de Dieu lui-même. Baise-moi, toi, et tâche d’avoir l’esprit de sentir qu’il y a ici la grâce de vendredi peut-être, et à coup sûr le cœur le plus impatient et le plus ardent qui batte sous le ciel et viens tout de suite chercher l’une et aimer l’autre.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 225-226
Transcription de Chantal Brière

a) « destiné ».


12 décembre [1840], samedi, 5 h. ¾ du s[oir]

Vous ne venez pas vite, mon amour, je vous désire pourtant de tout mon cœur. Il me semble que vous auriez pu venir ce matin ou au moins à présent ? Qu’est-ce donc qui vous retient ? J’ai là le sort de Nanteuil et de [Maquette  ?], probablement, ce qui ne les aura pas avancésa à grand-chose si on les a jugés tantôt. J’ai aussi la quittance de la pension que la mère Lanvin m’a envoyéeb dans un petit mot par la poste ainsi que nous en étions convenus. Je n’entends toujours pas parler de Jourdain et l’argent de Lafabrègue est mangé et au-delà. La bonne n’est toujours pas payée de son mois. Je te dis cela pour que tu ne l’oublies pas pour le jour où tu me donneras de l’argent. Et puis je t’aime. Je suis un peu souffrante ce soir, j’ai un mal de tête affreux et des douleurs d’entrailles très vives. Bref je ne suis pas bonne à grand-chose qu’à t’aimer. Je suis sûre que si tu venais tous mes bobos s’en iraient tout de suite. Jour Toto, jour mon petit o. À présent que vous n’avez plus BESOIN de moi vous me plantez là pour reverdir mais revenez-y, pôlisson [2], et vous verrez si je me décarcasserai pour vous RENDRE SERVICE. Voime, voime, viens-y mais surtout dépêche-toi.
Je crois que j’ai un abcès dans la tête, j’ai tout le côté gauche de la tête, y compris l’œil et le nez, qui me fait souffrir horriblement. J’ai besoin que tu viennes pour me guérir. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16343, f. 227-228
Transcription de Chantal Brière

a) « avancé ».
b) « envoyé ».

Notes

[1Hugo rédige et corrige « Le Retour de l’Empereur ».

[2L’accentuation traduit une prononciation excessive de la voyelle.

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