1er août [1840], samedi soir, 5 h. ¾
Depuis tantôt, mon adoré, je n’ai pas eu une minute à moi. J’ai cherchéa des chiffons pour Claire ce qui m’a forcée de déranger et déranger mes armoires. Enfin j’ai eu le frotteur [1] et depuis ce temps-là sans perdre une minute je n’ai pas trouvé le temps de me coiffer ni de m’habiller. Je viens d’envoyer Suzanne chez Claire avec un paquet de chiffons et des pots à fleurs vides. En échange de mes chiffons je reçois des fleurs, ce n’est pas si bête. Mon Dieu que je suis heureuse que Charlot ait le premier prix de thème latin [2], jamais je n’oublierai l’oritura ni le barbarisme d’Horace, ce bon Horace qui fait gagner des prix à mon gros Charlot. Je le négligeais un peu depuis quelque temps ce pauvre Horace, je vais le reprendre avec fureur : demens qui nimbos [3] etc. Ce qui serait un peu CHOUETTE ce serait d’avoir le 1er prix de version. Mâtin de chien, on ne pourrait plus …… manger à côté de Charlot sans bâton. Je voudrais déjà connaître le résultat du concours. J’y prends goût. Cela me rappelle mes anciens succès et cornipedum pulsu simularat equorumb [4]. Malgré la fameuse lettre de tantôt je vous crois plus que jamais à Saint-Prix [5]. Vous êtes un effronté menteur et on ne sait sur quoi compter avec vous. Toujours est-il que je serai très triste si je ne vous vois pas d’ici à ce soir parce que cela me prouvera que vous êtes parti. Hélas !!!!!c À propos j’oublie de te dire que Penaillon est venue et que j’ai fait un bon, un excellent marché au risque de me faire casser les reins. Mais si tu as l’ombre du sens commun tu me remercieras et tu tomberas à mes genoux. En attendant je ne suis pas sans inquiétude sur mon équipée et sur ton voyage à Saint-Prix. Toto je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16343, f. 67-68
Transcription de Chantal Brière
a) « chercher ».
b) « ecorum ».
c) Cinq points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.