20 avril 1840

21 avril 1840

20 avril [1840], lundi matin, 8 h. ¾

Bonjour mon cher bien-aimé. Bonjour ma joie, bonjour je t’aime de toute mon âme. Tu n’es pas venu cette nuit ? J’y comptais cependant bien ; nous étions tous les deux si amoureux, si propres, si lavés, si cailloux mouillés que j’espérais que tout cela vous déciderait à HONORER MA COUCHE. Je me suis trompée mais je ne me trompe pas en vous disant que je vous aime de toute mon âme. J’attends Claire ce matin et comme vous n’étiez pas là pour me faire trouver le lit bon, je me suis levée de bonne heure. J’ai déjà compté ma dépense et mon linge et je vais finir ma seconde chemise neuve pour la donner à la blanchisseuse. Je t’écris tout de suite une grosse lettre dans la crainte de n’en avoir pas la possibilité tantôt. J’ai toujours le temps de t’écrire et je peux toujours penser à toi et t’adorer, comme un pauvre ange que tu es, mais je ne peux pas toujours écrire quand j’ai des étrangers autour de moi. Il fait un temps ravissant. J’aimerais mieux être sur la grande route avec vous que dans ma chambre même comme vous l’avez faite. Vous êtes mon Toto que j’aime. Seulement il faut prendre garde à ce petit échauffement que tu as, mon amour, j’approuve ton bain d’hier et je te conseille d’en faire le plus que tu pourras, un usage fréquent c’est le moyen de combattre la chaleur d’un travail opiniâtre et excessif. Je demanderai tantôt à M^me Triger si elle sait l’effet des radis. J’en doute car elle est très peu au courant de l’hygiène et de rien du tout. Mais je chargerai M^me Pierceau de le demander à M. Triger la prochaine fois qu’elle le verra. Pendant ce temps je vais bien t’aimer et te dorloter^a, te surveiller et t’adorer. Voici la petite Julie accompagnée^b de Résisieux qui me saute au cou^c et qui demande comment se porte MONSIEUR. Ceci m’annonce Claire et moi je vous annonce que je vous aime.