Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1840 > Novembre > 23

23 novembre [1840], lundi soir, 11 h. ½

Je voulais ne pas t’écrire, mon bien-aimé, mais je n’y tiens pas et toute malade, touta étourdie que je sois par la triste journée d’aujourd’hui, il faut que je t’écrive pour te dire que je t’aime. J’ai beaucoup souffert et je t’ai fait beaucoup souffrir mais je t’aime. Je ne sais pas si je parviendrai jamais à t’inspirer de l’estime mais je sens que je t’aimerai toujours quoi queb tu fassesc pour m’en dégoûter. Tu es bien injuste et bien cruel pour moi, mon pauvre bien-aimé, [1] quand tu me soupçonnes, de gaieté de cœur, capable de faire une trahison infâme.
J’achève ma phrase à présent, c’est-à-dire dix-huit heures après qu’elle a été commencée. Je ne suis plus aussi triste ni aussi abasourdie qu’hier, mon adoré, parce que tu as été si bon, si doux, si rassurant depuis ce temps-là avec ta pauvre Juju qu’elle a repris courage et qu’elle espère te convaincre de son honnêteté et de sa fidélité avec le temps, la patience et surtout avec l’amour dont elle a un fond inépuisable. Je voudrais savoir où tu es, mon cher bien-aimé, pour t’envoyer ma pensée touta imprégnée d’amour et de baisers. Avec moi tu n’as pas cet embarras, tu es toujours sûr que je suis à mon poste et tu peux m’adresser toutes les pensées d’amour que tu voudras, tu sais qu’elles arriveront toujours à leur adresse, c’est-à-dire dans le cœur le plus tendre et le plus passionné qu’il y ait dans tous les mondes possibles tandis que moi je vais toujours au hasard quand je vous cherche et je me cogne le plus souvent dans des coins obscurs où vous n’êtes pas. Par exemple aujourd’hui il est probable que si je voulais vous trouver, je n’aurais qu’à prendre ma course chez quelques péronnelles de votre connaissance. Vous avez mis à cette intention une chemise à JABOT qui flaire la visite et la galanterie mais prenez garde que sans être vue je ne tombe entre elles et vous, que je ne leur administre force coups de pieds ce qui n’avance pas vos affaires mais ce qui me ferait bien rire. Prenez garde à vous, je vous surveille de tout mon amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16343, f. 179-180
Transcription de Chantal Brière

a) « toute ».
b) « quoique ».

Notes

[1La phrase est interrompue ici et reprise à la date du « 24 novembre, mardi soir, 4 h. ¼ ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne