Paris, 18 juin [18]74, jeudi, 4 h. ½ du soir
Il m’est impossible de remettre la main sur la facture de tes souliers, mon cher petit homme ; il est probable qu’elle se sera trouvée égarée au milieu de toute la litière de la ménagère ; j’espère que c’est sans conséquence pour ma comptabilité et que je n’auraia pas à la payer une seconde fois. C’est bien assez de faire tous les frais de ton voisinage avec tes voisines, avec et sans cages, et dont les plus serins ne sont pas toujours ceux qu’on pense. Le plus clair de mon bénéfice, c’est qu’au lieu de te savoir à la chasse à courre dans le pays giboyeux des boulevards et des squares, je te sente à l’affût, près de moi. J’espère que, contrairement à l’aphorisme de Don Sallusteb [1], je ne perdrai pas mon bonheur à le voir de trop près. Cela compris ainsi par moi, je te souris avec mon meilleur latin : audaces fortuna iuuat [2] ! Je ne te dis que ça. C’est égal, Petite Jeanne me manque à un tel point que j’en suis presque triste ; il est vrai qu’elle, comme compensation, ne s’en aperçoit pas. Est-ce une consolation pour mon vieux cœur ? That is the question. Traduction libre : j’en doute, mais je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16395, f. 113
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette
a) « n’aurais ».
b) « Saluste ».