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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 février [1840], samedi après-midi, 1 h.

Bonjour MONSIEUR, de quel front oserez-vous m’aborder et me demander la confiance dans ces paroles FALLACIEUSES que vous me répétez toutes les nuits ? : « Je vais revenir, tu sais quand je te dis cela que je tiens ma promesse ? Je vais revenir, je vais revenir. » Oui croyez cela, buvez de l’eau et brossez-vous le ventre au soleil, vous ne manquerez pas de fluxion de poitrine. Je suis furieuse, entendez-vous ? Je suis dans une colère qui ne s’exprime pas et si vous ne me donnez pas mon dimanche demain je suis capable de me porter à quelquea extrémité sur votre personne royale et sacrée, mâtin que vous êtes. Je viens d’écrire à mon épicier pour lui demander les choses les plus nécessaires et cependant je crains de n’avoir pas assez d’argent, il ne me reste déjà plus que 25 F. des 30 F. que tu m’as donnés et à vue de [illis.] je crois qu’il m’en faudra 34 F. ou 36 F. pour l’épicier. Je te dis cela mon petit homme pour ta gouverne et puis je t’aime de toute mon âme. Baise-moi et aime-moi. Il fait toujours un froid de loup. Comme je ne pense pas que tu me fassesb sortir aujourd’hui je vais écrire une lettre à la mère Pierceau pour l’engager à venir demain. Je ne serais pas fâchée de lui lire à elle les journaux d’hier. Ils sont gentils et agréables et moi je triomphe. Baisez-moi mon amour et venez si vous m’aimez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 188-189
Transcription de Chantal Brière

a) « quelqu’ ».
b) « fasse ».


22 février [1840], samedi soir, 5 h. ¾

Le petit garçon en revenant de l’école m’a apporté [sa ? ma ?] lettre. Tu la verras ce soir, mon amour. Je t’aime, je t’adore, pense à moi, aime-moi et prends bien soin de ta chère petite personne adorée. J’ai trouvé la mère Pierceau en bonnet de nuit en compagnie de deux dames amies de Mme Triger qui se sont en allées presque tout de suite. Moi je jabote, je jabote tout en t’écrivant, j’entremêle mon griffonnage de Viennet, de Chateaubriand, du Charivari, du Siècle, des Débats, du Vert-Vert [1] et de la presse. Enfin je fais ma petite blague [2]. Il paraît que la pièce de Scribe n’a pas beaucoup réussia. Enfin tout est pour le mieux et je triomphe sur l’air de Fernand Cortès [3] ton, ton, ton, ton, ton, ton, ton, ton. Vous êtes plus que jamais mon grand Toto et je vous permets d’être recandidat puisque c’est si amusant que ça. Baisez-moi vieille bête. Baisez-moi et n’ayez pas froid. Mon Dieu que je t’aime, mon Dieu que je vous aime, Toto tu es beau, Toto tu es jeune, Toto tu n’as pas 38 ans, Toto tu es adorable, Toto tu es ravissant, Toto je t’aime, Toto tu es noble. Oh ! oui bien noble, bien admirable, bien grand et bien dévoué et bien adoré. Car mon âme, mes yeux, mon esprit, ma vie, mon cœur, tout est amour, je t’aime, je t’adore. Je te baise tes chers petits pieds, je les réchauffe avec mon souffle. Baise-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16341, f. 190-191
Transcription de Chantal Brière

a) « réussie ».

Notes

[1Quotidien de critique théâtrale et littéraire auquel Hugo contribua.

[2La « petite blague » est de calomnier la pièce de Scribe, créée le 20 février, et précisément intitulée La Calomnie.

[3Fernand Cortez ou la Conquête du Mexique de Gaspard Spontini, 1808.

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