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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1851, 3 juillet, jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour. Ne souffre pas ni de l’influence mauvaise du temps, ni de rien. Guéris-toi, aime-moi et laisse-moi t’aimer et puis confions-nous à Dieu qui voit le fond des âmes. Depuis hier ma douleur que je croyais incurable s’est transfigurée en un avenir d’amour et de bonheur. Je ne souffre plus, je t’aime, je ne me défie plus, tu m’aimes. L’enfer est devenu le paradis dont tu es le dieu vivant respecté, vénéré et adoré comme auparavant. J’ai le cœur plein de saintes espérances. Je te souris et je baise tes pieds lavés par mes larmes de pardon et de reconnaissance. Je suis heureuse, bien heureuse, d’un bonheur que rien ne peut exprimer que ces deux mots : tu m’aimes et je t’aime.
Hier au moment où je passais devant ta porte une petite voiture qu’un domestique venait d’amener entrait dans ta cour. J’ai pensé que c’était pour toi. J’aurais voulu te voir partir pour te jeter mon âme et mes baisers au passage mais je n’ai pas osé, dans la crainte de me faire remarquer par ton entourage. J’ai dû me contenter de baiser du regard le seuil de ta porte et je suis rentrée chez moi. À peine étais-je à la maison que Vilain y arrivait dans son empressement à m’obliger. Grande a été sa surprise lorsqu’au lieu de lui prendre son argent je lui ai rendu celui que je lui devais. Mais plus grande a été sa joie quand je lui ai dit que je t’avais tout appris et que tu avais été ineffablement bon et généreux. Ce pauvre garçon t’aurait touché si tu avais pu voir l’expression d’admiration et de bonheur que ses paroles et ses yeux exprimaient à la fois. J’étais fière et heureuse de te montrer dans toute la splendeur de ta bonté. Je voudrais faire de mon amour tous les rayons de ta gloire.

Juliette

BnF, Mss NAF 16369, f. 99-100
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
[Guimbaud]

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