Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1852 > Juillet > 9

Bruxelles, 9 juillet 1852, vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je vous aime et je ne grogne pas. Attrapé. Ce n’est pas que je n’en aia pas le droit mais l’envie et le besoin manquent pour le moment ce qui fait que sans raison et sans sujet de l’être je suis très GEAIE et très aimable ce matin. Voime, voime vous pouvez me croire les yeux fermés. Maintenant mon petit homme, c’est à vous de sonder votre conscience et de vous demander si vous êtes digne de tant de confiance et si vous me donnez bien consciencieusement tout votre cœur. Quant à moi j’agis comme si j’étais sûre de votre amour et de votre entière fidélité. Je vous aime avec tout mon cœur et avec toute mon âme.
Bonjour, je vous souris et je ne grogne pas. J’ai envoyé tout à l’heure porter les épreuves. On a dit qu’on allait aller chez toi. Je crains qu’on ne te réveille trop tôt si tu dors car tu t’es couché bien tard hier et ton petit âne est bien matinal. Mais Suzanne n’a pas osé prendre sur elle qu’on n’aillec pas chez toi avant 10 h. En attendant, mon pauvre petit bien-aimé, mets le temps à profit et dépêche toi de dormir au galop avant qu’on te dérange. Je pensais que tu étais allé voir le ballon  ? hier, ce que je trouvais tout simple ; mais ce qui m’attriste c’est la pensée que tu ne m’en avais pas prévenue. Je me suis trompée, je t’en demande humblement pardon mais conviens que ta partie de campagne improvisée à huit heures du soir n’est pas plus heureuse que vraisemblable.
Maintenant baisez-moi, n’en parlons plus. Taisez-vous et tâchez de me donner un éclatant rabibochage aujourd’hui et je serai la plus heureuse des Juju de Flandres et de Belgique.

BnF, Mss, NAF 16371, f. 151-152
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « n’en n’ai ».
b) « aille ».


Bruxelles, 9 juillet 1852, vendredi midi

Que te dirai-je, mon petit bien-aimé, que tu ne saches à l’avance ? Que je t’aime, que je te désire, que je t’attends. Que je suis impatiente de te voir, que je t’admire, que je t’adore ? Mais voilà tantôt vingt ans que je ne fais pas autre chose sans me ralentir et sans me décourager. Mais ce n’est pas une raison pour que tu ne sois pas mille millions de fois blasé sur cet amour si uniforme et si monotone dans ses sensations et dans ses expressions. C’est pour cela que je trouve qu’une honnête réserve, qu’un silence adroit et prudent vaut mieux dans l’intérêt même de mon amour que ces roucoulements qui me font ressembler à une pigeonne oubliée dans son colombier par son pigeon voyageur. Autrefois, je n’éprouvais pas cette sotte mauvaise honte. J’allais en toute confiance sans regarder en arrière ni en avant. J’allais devant moi au hasard et avec la certitude de rencontrer ton amour au bout de tous mes écarts de plume et de cœur. Maintenant j’ai peur de te paraître ridicule et je n’ose plus mettre un mot devant l’autre, dans la crainte de tomber dans les précipices de la stupidité et de l’ineptie. Je serais bien plus à mon aise et, je crois bien plus heureuse, si je croyais que tu ne jetterais jamais les yeux sur ces gribouillis espèce de récipients du trop plein de mon cœur. Je voudrais t’écrire pour moi toute seule parce que cela me soulage, parce que cela me plaît, parce que cela me console, mais je ne voudrais pas que tu t’imposes l’ennui de fourrer ton cher petit museau dans tous ces fouillis d’absurdité et de tendresse. Voilà bien longtemps que je [sens  ?] ainsi. Ce n’est pas [illis.] délicatesse mal entendue si tu persistes dans la lecture de ces pitoyables élucubrations.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16371, f. 153-154
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne