Paris, 25 octobre 1881, mardi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, l’obscurité aidant, j’ai cru me lever une heure plus tôt que je ne pensais. Mais peu importe, comme dirait le bonhomme Marquand, pourvu que je t’aime toujours à l’heure et à la minute comme je n’ai cessé de le faire depuis le premier jour ou je me suis donnée à toi.
Tu n’as pas beaucoup dormi cette nuit mais tu n’as presque pas toussé et ton mal de tête était presque tout à fait passé ce matin, ce qui compense bien ton déficit de sommeil que tu vas rattraper séance tenante, je l’espère. Le temps est particulièrement lugubre aujourd’hui, ce qui me fait sentir encore plus vivement le chagrin que doit éprouver toute cette pauvre famille Parfait de la mort de leur fils [1]. Je crois, mon adoré bien-aimé, qu’un mot de toi leur irait au cœur, comme une consolation divine et bénie, ainsi qu’à la pauvre jeune veuve et jeune mère. Cette aumône du cœur vaut bien celle de la bourse et je suis sûre que tu ne la leur refuseras pas. Pour ma part je t’en remercie d’avance avec reconnaissance.
Je te souris et je te bénis avec toute l’effusion et toute l’adoration de mon âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 233
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette