Paris, 9 avril 1881, samedi matin, 8 h.
J’ai bien regretté cette nuit, mon pauvre bien-aimé, en t’écoutant tousser et t’agiter, que tu aies pris si tôt le parti de jeter ton sirop de cola et ta tisanea aux orties avant d’être bien sûr de pouvoir t’en passer. De même, aussi, j’ai trouvé ta sortie d’hier au Sénat bien importune, le temps froid et maussade étant donné, et l’état de tes bronches encore en question. Il en résulte de toutes ces crâneries intempestives une petite recrudescence de toux pour toi et un commencement de grippe pour moi ; et voilà ce qu’on gagne à faire de l’hygiène à tout crin et à rebrousse poil.
Je n’ai pas encore de nouvelle de la nuit du cher Petit Georges mais j’espère, vu la tranquillité de la nuit chez lui, qu’il n’a pas trop souffert de sa jambe.
À propos, mon grand petit homme, c’est ce soir le bal à l’hôtel Continental pour l’orphelinat de garçons de Mme Dorian. Je crois, mon cher bien-aimé, que, vu l’œuvre très charitable et très utile et les relations étroites de ces dames avec ta famille, tu ne peux pas refuser de participer pour ta part à cette fête de bienfaisance en prenant les billets qu’on t’a envoyés. Si je me trompe c’est à bonne intention et parce que je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 73
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « tisanne ».