Paris, 17 septembre 1881, samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon doux adoré, ou plutôt, rebonjour, puisque je t’ai déjà embrassé à travers ton demi sommeil. Je ne sais pas ce qui tu penses de ta nuit, mais il me semble qu’elle ressemble beaucoup à la mienne qui n’a été qu’un tric trac d’insomnie et de sommeil et réciproquement.
Cependant je dois avouer, est-ce beau temps, est-ce soleil, est-ce santé, est-ce bêtise, est-ce Pologne, est-ce folie ? je vais beaucoup mieux aujourd’hui. Et puis je suis sous l’influence de l’ineffable bonté avec laquelle tu as accueilli ma terrible confidence hier. Tu ne peux pas savoir jusqu’à quel point je suis de plus en plus sensible à tes marques de bonté. De là, par la même raison, mes très vifs chagrins quand tu me refuses ce que j’ai toujours tant de peine à te demander.
Merci, mon grand bien-aimé, de m’avoir accordé avec tant de bonne grâce ce manteau dont j’avais tout à la fois besoin et envie. Merci, je te souris, je me porte bien, je t’adore, fais de même de ton côté et mon bonheur sera complet.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 209
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette