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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mai 1839

26 mai [1839], samedi soir, 9 h. ¾

Ne croyez pas, mon cher bijou, qu’ila soit si tard que ma folle de pendule le dit. En réalité, il n’est que huit heures et demie. Vois-tu, mon adoré, laisse-moi te parler à cœur ouvert car ce que je vais te dire est la vraie vérité devant Dieu : je suis fâchée de ce que Mme K… [1] vient demain dîner. Je sens en ce moment, jusqu’au bout des ongles, combien ce mois-ci a été malheureux pour notre bonheur à cause de toutes les occasions de dépenses qui se sont succédéb les unes aux autres. Je donnerais mon sang pour le convertir en tout l’argent dépensé en billevesées cette semaine et pour pouvoir te dire : « Tiens, mon Toto adoré, repose-toi, aimons-nous et soyons heureux. ». [illis.], mon chéri, épanche le trop-plein de mon cœur sans sourire et sans faire semblant de prendre le change sur les tendres et douces paroles que je te dis. Laisse-moi regretter tout le bonheur que j’ai laissé couler ce mois-ci, comme d’un tonneau percé et sans en profiter, comme une femme stupide quoique je ne t’aie jamais plus aimé. C’est une leçon dont je vais profiter, mon Toto chéri [illis.] vont tendre à me débarrasser honnêtement des occasions de dépenses inutiles. En attendant [illis.] me prouver que tu crois à la sincérité de ma résolution viensc déjeuner cette nuit avec ta pauvre Juju. Ne me refuse pas cette grâce si tu ne veux pas que je sois la plus triste et la plus malheureuse de femmes demain en présence des deux convives qu’il faut hélas que [j’aie  ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 203-204
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « qui ».
b) « succédées ».
c) « vient ».


26 mai [1839], dimanche matin, 11 h. ½

Bonjour, mon petit homme chéri, pourquoi n’es-tu pas venu, mon adoré, déjeuner avec moi ? Cependant aujourd’hui plus encore qu’à l’ordinaire tu m’aurais comblée de bonheur car je me figure que ton absence est une manière de boucher les trous que les dîners de ma fête et autres… ont fait à notre bourse. Aussi je suis encore plus affligéea que d’habitude de ne pas te voir.
J’ai reçu, tout à l’heure, une lettre de Mme Pierceau que j’ai décachetée avec ta permission, et qui me dit qu’elle ne viendra pas dîner aujourd’hui parce qu’elle est malade et triste du départ de son D. qui a lieu à midi. Il va à Bruxelles marier les deux tourtereauxb que tu sais. Pauvre femme, je la plains car elle aime véritablement cet homme ridicule et vieux. Je n’aurai donc que Mme Krafft à dîner. Tu serais le plus ravissant des hommes si tu voulais nous HONORER de ton appétit et nous serions les plus charmantes et les plus empressées des ODALISQUES si vous vouliez être MON sultan pendant toute la vie. Je laisserais la partie du chant et de la danse à Laure, je ne garderais que le MOUCHOIR. Voulez-vous, dites ? Oh, ce serait si gentil et si bienveillant que vous devriez consentir à ce que je vous demande. Je t’aime, mon Toto, mais je ne tire pas de mon amour tout le bonheur qu’il [contient  ?]

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 205-206
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « affigée ».
b) « tourteraux ».


26 mai [1839], dimanche après-midi, 4 h. ¼

Vous avez fait la sourde oreille à ma proposition, mon Toto, elle était cependant bien gentille et vous auriez bien dû en tenir compte en venant tantôt dîner avec nous. Je suis encore toute seule et j’en profite pour vous écrire afin de n’être pas en arrière si vous aviez la bonne pensée de dîner avec nous et de rester toute la soirée avec moi.
Qu’est-ce que c’est donc que la passion si malheureuse de Mlle Dédé pour le CHIQUART [2] [illis.], est-ce que son antipathiea pour les lions s’est humanisée au point d’aimer les bêtes quelconques ? J’en serais fâchée pour l’honneur du [illis.] tout entier.
Je vous aime, Toto, quoique vous ne soyez ni bête ni chiquart. Je vous adore et je me consume à vous désirer et à vous regretter. Je voudrais pouvoir me changer en mouche pour vous suivre partout et pour vous piquer quand vous regardez des femelles qui vous sont interdites. J’aurais fort à faireb n’est-ce pas ? Enfin je ne suis qu’une pauvre grosse vieille femme et je vous aime, surcroît d’infirmités dont vous vous passeriez bien, n’est-il pas vrai ? Baisez-moi et soyez i puisque je vous adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 207-208
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « anthipathie ».
b) « affaire ».

Notes

[1Mme Krafft.

[2À élucider.

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