Paris, 23 janvier [18]72, mardi matin, 8 h. ½
Bonjour, mon adoré bien-aimé, comment as-tu passé la nuit et comment m’aimes-tu ce matin ? J’espère que la question n’est pas indiscrète et que tu me donneras une bonne réponse. En attendant, je t’aime en toute confiance et avec tout mon cœur et toute mon âme. Je viens de trouver dans mon tiroir ma pauvre petite restitus d’hier que j’ai oublié de te donner. Pour la consoler de cette humiliation méritée, je prends le parti de te l’envoyer ce matin par Suzanne. En échange de ce gribouillis, je te prie de donner quelques enveloppes et un peu de papier à lettres pour ravitailler ta papeterie. À propos de ravitaillement, je te fais remarquer que nos dépenses, loin de diminuer, augmentent de jour en jour avec le nombre des dîneurs. Je t’en avertis afin que tu enrayes si tu peux cette propagande de restaurant. Quant à moi, je ne suis et ne peux être que passive dans cette question-là. Seulement je m’effraie pour toi du chiffre de ta carte à payer tous les jours. Cela dit, je reviens à mon mouton : je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 20
Transcription de Guy Rosa