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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 avril [1839], samedi matin, 11 h.a

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon adoré, comment que ça va, mon cher petit homme ? Vous restez toujours chez vous, mon bijou, ce n’est rien moins que gentil mais ça n’est pas drôle. Voyez-vous le beau temps qu’il fait aujourd’hui ? C’est que je ne dois pas sortir, c’est une attention délicate de la Providence. [Au reste, si le ciel est  ?] serein, moi, je suis enrhumée comme un loup. Je tousse, je mouche, je pleure avec un égal succès, on croirait que vous m’avez battue. À propos, il y a bien longtemps que vous ne m’avez fait ce plaisir, est-ce que vous n’êtes plus amoureux ou qu’il n’y a plus de triques sous la calotte du ciel ? Je vous prie de me ragaillardir le plus tôtb possible. Je n’ai pas besoin, moi, de vivre dans une uniforme tranquillité. Je veux des COUPS et de l’AMOUR, entendez-vous ça.
Chapelle est venu hier pendant que nous étions sortis chercher son argent. Il a fait un reçu à la bonne et voilà. Mais quel NEZ de carton pour tous mes créanciers le mois prochain. Bravo bravo bravo. Heureuse femme que je suis : attendre cinq ans ou du moins trois ans pour arriver à l’administration Anténor Joly ! Mais aussi comme compensation il fait toujours beau quand je rentre chez moi et il pleut toujours à versec aussitôt que je mets le pied dans la rue. Je vous aime et je ne me plains pas car vous êtes mon ciel, ma gloire, ma fortune et ma joie. Baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 73-74
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « plutôt ».
b) « averse ».


20 avril [1839], samedi soir, 6 h. ½

Vraiment, mon pauvre bien-aimé, on dirait que ton travail et ta distraction habituelsa se donnent le mot avec mon guignon pour me faire enrager. Il est impossible d’être plus malencontreuse que je ne le suis pour tout. Enfin, quoique ce soit tous les jours la même chose, je ne peux pas m’y habituer. D’abord, je ne m’habituerai jamais à manquer les occasions de vous voir et de vivre avec vous. Je suis triste, maussade et malade. Il dépend de vous de faire merveille et d’effacer tout cela comme avec la main en venant souper ce soir et en me faisant sortir pour vous acheter de la boustifaille. En attendant, je vais faire la cocotte et mordre les barreaux de ma cage et jeter ma nourriture par-dessus ma mangeoire. Tout ça, c’est votre faute. J’ai les petites Bensancenot chez moi mais je les [illis.] peu car je suis trop cocotte ce soir pour me plaire à autre chose qu’à vous. Je vous aime et c’est la cause de ma méchanceté et de mon mauvais caractère. Baisez-moi, vieux vilain et aimez-moi. Je vous aime, je vous pardonne tous vos trines si vous revenez ce soir souper à la maison.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 75-76
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « habituel ».

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