Paris, 14 mars 1881, lundi matin, 7 h.
Dors, mon grand petit homme, afina de rattraper le temps perdu dans l’insomnie de cette nuit. Quant à moi, je vais prendre un bain pour tâcher de faire diversion aux innombrables bobos qui me tiraillent dans tous les sens. Le temps, quoiqu’un peu froid, est joyeusement beau ce matin et me donnerait envie de courir la campagne si j’avais encore des jambes. Malheureusement il y a déjà longtemps que ma vieille goutte m’attache au rivage et je n’en suis pas plus fière pour cela. Toujours est-il qu’il fait un temps exquis, qu’il y aura séance publique à deux heures au Sénat aujourd’hui pour le tirage au sort dans les bureaux et pour traiter de la question d’Orient et de la question grecque [1]. Que si tu y vas, comme c’est probable, je te prierai de me laisser aller voir ma sœur pendant que tu seras en séance. Je te fais penser que tu as à payer les compositions ci-jointes montant à 689 F. 45 pour toute l’année. Je te fais penser aussi que c’est aujourd’hui le jour à argent pour la maison, sur lequel, argent, je compte payer la blanchisseuse comme je l’ai déjà fait la semaine dernière. Voilà, mon cher petit homme, mon compte-rendu de ce matin depuis pater jusqu’à amen, livres saints et sorciers, corps, cœur et âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 51
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « à fin ».