Paris, 9 octobre [18]79, jeudi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, comment ta nuit ? Meilleure que la précédente, je l’espère. En attendant que mon espoir se confirme je t’aime à cœur que veux-tu.
J’ai lu les lettres qui sont venues hier soir, elles sont toutes plus ou moins intéressantes. J’en excepte celle qui contient un chèque de cent trois francs 15 centimesa payable au Siège de la Société Générale de la compagnie de Saint-Quentin rue de Provence 54. Cette somme, la seconde que t’envoie le maire de Saint-Quentin, est le produit de la souscription ouverte au cercle de la ville en faveur des amnistiés [1]. Il te demande comme la plus précieuse faveur que tu lui en accusesb réception de ta main. Sa lettre est touchante et profondément respectueuse. Tu feras bien de lui accorder ce qu’il te demande.
Je crois que je vais me fendre d’une lettre à Leconte de Lislec tout à l’heure, tant pis si je patauge à travers la syntaxe, et à ce propos il me semble difficile que tu ne l’invitesd pas à ton banquet [2] l’avant-veille du jour où il aura lieu ? Au reste ce que je t’en dis n’est que pour t’y faire penser dans le cas où tu croirais devoir faire cet honneur à ce pauvre poète malmené par le sort.
Je t’aime, voilà ce qui m’importe et je veux que tu m’aimes quand même.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 241
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « centi ».
b) « accuse ».
c) « Leconte de l’Ysle ».
d) « invite ».