Paris, 28 nov[embre] [18]79, vendredi matin, 7 h. ½
Cher bien-aimé, je profite de mon onglée [1] pour t’envoyera un bonjour ardent du bout de mes doigts gelés. Dieu, comme ça pince ! Ce serait à en pleurer s’il ne faisait pas un temps si un temps si férocement aimable et exquis. Le soleil est presque aussi rouge que le nez des passants et il gèle à cœur fendre.
Mariette m’assure que tu as bien dormi cette nuit, ce qui ne contribue pas peu à me faire tout trouver charmant ce matin, même la scie [2] des lettres, dont je joue à mon grand regret pour te rappeler que tu as plusieurs lettres en souffrance qui attendent et qui urgentb. Il faudra absolument que tu en expédiesc quelques-unes aujourd’hui : il le faut, est-ce clair ?
Autre guitare, nous n’avons aucune invitation pour ce soir ni pour demain et j’ignore encore ce que fera ton cher groupe d’en haut [3]. Dans l’ignorance complète de leurs projets je m’abstiens d’inviter nos voisins pour ne pas faire double emploi et encombrement. Tu me diras ce que tu en penses et ce que tu veux que je fasse. En attendant, mon cher adoré, je me réchauffe à mon amour qui est tout feu et tout flamme et je te bénis de toute mon âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 288
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « t’envoier ».
b) « urges ».
c) « expédie ».