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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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24 juin 1841

24 juin [1841], jeudi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon amour. Il paraît que vous avez reculé devant les plaisirs de la médecine que je devais vous offrir aujourd’hui dans toute sa splendeur [1] ? Au surplus vous avez bien fait et pour la première fois de ma vie je vous approuve de n’être pas venu. C’est un plaisir médiocre que d’assister aux tortillades, aux cacades et aux foirades d’une pauvre Juju qui dans ce moment-là ressemble plus à une mascarade (autrement dit chienlita) qu’à une honnête femme. Je suis loin d’en être tout à fait quitte parce que la dose étant doublée elle me bouscule plus profondément. Cependant j’espère que ce sera fini d’ici à tantôt et que je pourrai aller me restaurer avec vous dans quelque bon cabaret si l’envie vous en prenait. En attendant je continue mon petit commerce et je me lève par ci par là pour faire pipi, pour faire caca, et c’est entre deux bouffées de coliques que je vous écris cette jolie lettre si fine, si spirituelle et si pleine de couleur locale. Ia ia monsire Bigardet [2]. Baisez-moi, vilain monstre, et sachez-moi gré de trouver la force de vous écrire dans des moments aussi périlleux. Je vous aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16345, f. 279-280
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « chientlit ».


24 juin [1841], jeudi après-midi, 4 h. ½

J’espérais que vous auriez la curiosité, mon amour, de venir savoir comment s’était passé le fameux ramonage mais il paraît que vous n’y avez même pas pensé. Il y a environ une couple d’heures que tout est fini, cela ne m’a pas empêchéea de faire… mesb petites affaires comme à l’ordinaire. Maintenant je vais coudre en vous attendant.
J’ai envoyé Suzanne chercher des veilleuses parce qu’il n’y en avait plus et comme c’est assez près de Mme Pierceau j’ai fait porter chez elle la fameuse caisse d’eau de Cologne pour les caleçonsc [3]. En même temps j’en ai fait acheter une autre pour toi et de la meilleure parce qu’il n’y en avait plus du tout. J’ai fait aussi acheter de l’élixir [4] et de la pâte d’amande dont je vous ai porté la moitié sur votre mémoire. Tous ces achats, y compris du papier et des plumes, ne vont qu’à rien moins de 17 F., ce qui fait une fameuse brèche sur les 45 F. et cependant je fais bien attention à tout. Baise-moi, mon amour, je t’aime mais je voudrais te voir. Pourquoi ne viens-tu pas ? Je voudrais bien marcher un peu ce soir si ce n’était pas trop impossible. Tâche, mon petit homme, et dépêche-toi de venir me baiser de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16345, f. 281-282
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « empêché ».
b) « mes mes ».
c) « calçons ».

Notes

[1Juliette souffre souvent de maux de ventre ou de tête violents et vient donc de commencer un traitement, prescrit par le docteur Triger, qui va durer plusieurs mois. Elle précise ses recommandations le 21 avril.

[2Pour Picardet. Juliette s’inspire sans doute de Voltaire qui, dans ses lettres de septembre 1761 à son ami M. Le comte d’Argental, mentionne un académicien typique de Dijon qui porte ce nom (deux frères en réalité) qu’il tourne en ridicule en l’empruntant (avant de le transformer en Picardin) pour signer l’une de ses comédies, L’Écueil du sage, ou Le droit du seigneur. Remerciements à Jean-Marc Hovasse qui a identifié pour nous cette référence.

[3Comme c’est Mme Pierceau qui coud les caleçons de Hugo et qu’elle est de bon service, cette caisse d’eau de Cologne est probablement un moyen original de la remercier.

[4Juliette se procure l’élixir de Hugo chez Lambin.

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