22 mars [1836], mardi matin, 7 h. ½
Bonjour, cher petit homme chéri, bonjour méchant petit ouvrier qui aimez mieux travailler que de venir voir votre pauvre petite femme. Aussi, pour vous imiter, elle travaille de son côté tant qu’elle peut. Hier au soir, elle a rangé son fameux coffre, et ce matin qu’elle est levée de très bonne heure, elle va faire VOTRE OUVRAGE pour n’avoir plus qu’à vous baiser quand vous viendrez pour le faire.
Bonjour mon adorable petit homme, comment que vous m’aimez ce matin ? Moi, je vous aime plus gros que le ciel et la terre. Entendez-vous ça ? Qu’est-ce que vous faites à présent, mon cher adoré ? Vous reposez votre jolie petite tête endormie sur votre oreiller, sans sentir le moins du monde toutes les caresses que je vous fais depuis une heure. Ou peut-être êtes-vous déjà errant dans les rues sans ménagement pour votre santé et sans donner une pauvre petite pensée à celle qui vous donne sa vie et son âme, sans la moindre petite restriction, soit dans ce monde, soit dans l’autre. Si vous êtes levé comme je le crains, tâchez de venir, non pas pour faire le ménage [1] mais pour recevoir une pluie de baisers sur votre charmante bouche et sur toutes vos belles dents.
J.
BnF, Mss, NAF 16326, f. 219-220
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa