Guernesey, 10 février 1861, dimanche, 9 h. du matin
Bonjour, mon ineffable bien aimé, bonjour, mon amour, mon bonheur, ma vie, mon âme, bonjour. Comment vas-tu ce matin, mon pauvre petit homme ? Je crains que ce vilain froid noir ne te fasse souffrir. Comment as-tu passé la nuit et comment va ton mal de tête aujourd’hui, mon pauvre doux éprouvé ? J’attends que tu m’apportes une bonne réponse à chacune de ces questions pour dissiper l’inquiétude involontaire que ce vilain temps me donne. Jusque là, mon doux adoré, je ne saurais m’empêcher d’être triste et tourmentée. Il fait si froid que c’est à peine si je peux tenir ma plume, mais cela ne m’empêche pas de me bien porter et de n’avoir plus du tout de mal de tête. Si tu pouvais m’en dire autant tout à l’heure, je serais bien heureuse. En attendant, je vais essayer d’écrire à Mme Vilain, corvée assez ennuyeusea mais qui sera la dernière, je l’espère, maintenant que Martin est chargé de son affaire. D’ailleurs, la paresse de cette dame autorise plus qu’il ne faut la mienne et je compte bien la mettre à profit à l’avenir.
Cher adoré, j’ai beau vouloir tourner ma pensée en dehors de toi, je ne parviens qu’à la fixer davantage sur toi et tous mes rabâchages aboutissent invinciblement à ceci que je t’aime de toute mon âme et que je ne vis qu’à moitié loin de toi.
J
BnF, Mss, NAF 16382, f. 39
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette
a) « ennuieuse ».