5 février 1861

Guernesey, 5 février 1861, mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon ineffable bien aimé, bonjour, mon pauvre amour et BOSSE, comment vas-tu ce matin ? Comment va ton cou^a ? Comment va ta gorge ? Comment as-tu passé la nuit ? Tu paraissais bien disposé, à ta contusion près, à passer une bonne nuit, hier au soir. Je suis impatiente de savoir si toutes ces bonnes espérances se sont réalisées. Jusque là, je me borne à t’aimer plus que tout mon être à la fois, en y associant le ciel et la terre. Tu as vu comment j’ai été amenée à donner mon portrait au citoyen Quesnard, le dernier des mauvais bonhommes auquel j’aurais voulu le donner. Mais il n’y avait aucun moyen de le refuser et j’ai dû m’exécuter tant bien que mal. Enfin, c’est fait, le mieux est de n’y plus songer. D’ailleurs, dans ce moment-ci, j’ai assez à faire de m’occuper d’éternuer et de me moucher. J’en suis étourdie, ahurie^b, abasourdie et en Missipipi [1]. Atchi, atchi, atchi, at, at, at, a, a, a tchi ! Pendant ce temps là, ta petite belle sœur [2] se promène dans le vent et la brume, tête-nue, sans crainte des coryzas^c et autres rhumes rhumatismeux jusqu’au jour où elle se réveillera avec quelque atroce névralgie. Il est vrai que tous ces maux n’épargnent pas plus les prudents que les imprudents. Seulement, les premiers ont la conscience pour eux. Sur cette belle sentence, je vous baise sans me moucher et je vous adore de même.

BnF, Mss, NAF 16382, f. 34
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette

a) « coup ».
b) « hahurie ».
c) « corizza ».