Jersey, 27 janvier 1855, samedi soir 5 h.
Je vous gribouille au vrai clair de la lune, mon ami Toto, ce qui vous prouve que ma peignerie à fond s’est un peu prolongée. Il est vrai que j’y fourre toujours plusieurs chiens à fouetter, sans compter le petit Préveraud qui est venu me voir un moment, malgré la sciatique et la grippe. Il n’aurait tenu qu’à moi de voir tout à l’heure la DIVA [1]. Mais outre que j’étais en chemise, je ne me sentais pas en goût de remâcher la mystification d’hier dans la sauce du malentendu. J’ai fait dire par Suzanne que j’étais sortie et il n’en aa été que ça. Du reste, je me tiens pour suffisamment renseignée comme cela et je ne veux plus dorénavant refaire d’autres expériences saucifiques avec cette prima. Tiens, vous voilà, mon cher adoré ! Quand on parle du Toto à lui-même, on en voit la queue à ce qu’il paraît. J’aime mieux cela.
Hélas ! vous paraissez dans ma baraque juste comme le Polichinelle des Champs Élysées sans laisser le temps de donner un grand coup de bâton sur la tête de madame la commissaire, et vous disparaissez comme lui, en poussant votre cri de triomphe pour Madame Chaumontel et Mlle P. B. C. [2] Heureusement que j’ai la patience aussi dure que celle de la femme du commissaire et toutes vos trahisons ne la contusionnent même pas. Donc, ne vous gênez pas ; allez à vos petites affaires. Moi je continuerai de vous attendre et qui pis est de vous aimer comme une bête que je suis.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16376, f. 48-49
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
a) « il n’en n’a »