Paris, 6 mai 1882, samedi matin, 6 h. ½
Sur l’air « Tandis que tout sommeille » [1] moi, mon grand petit homme, chassée de mon lit par la plus implacable insomnie, je me réfugie dans ta pensée ainsi que tu peux le voir par ma matinale restitus. Quelle quea soit ma situation de corps ou d’esprit, je t’aime. Quelle sera la journée d’aujourd’hui ? Chi lo sa [2] ? Le temps est assez maussade et le Sénat ne promet pas de vifs plaisirs, même sur le chemin de fer de Blanc à Argent et d’Armentières à Bazoche. Encore si nous avions les enfants [3] à dîner avec nous ce soir, ce serait tout bonheur. Mais rien qu’un Schœlcher perdu encore, peut-être, dans les brouillards de la Tamise et un Monselet problématique en train de commander quelque menu étonnant au Grand Hôtel de Monte-Carlo. Tout cela fera quelque vide autour de ta table et je pense à inviter pour leb combler un peu le formidable Lesclide et sa bruyante sœur. En attendant je vais écosser le tas de lettres venues hier soir. Toi, pense à moi dans ton rêve et souris-moi pour réjouir mon cœur qui t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16403, f. 75
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « quelque ».
b) « les ».