Guernesey, 23a mars [18]63, lundi soir, 7 h.
C’est bien le moins, mon grand bien-aimé, qu’après une longue journée de fatigue je délecte mon cœur dans ce petit morceau de restitus que je te gribouille en toute hâte à la maigre lueur du croissant lunaire et de mon bout de bougie trop économique. De toute la journée je n’avais pas eu le temps de m’asseoir mais voici ma tâche enfin achevée à preuve que je m’en décerne à moi-même la douce récompense, celle de t’écrire. J’espère que tu penseras à revendiquer auprès de ton charmant petit Victor [1] mes anuiers droits au MARDI et qu’il voudra bien reprendre l’habitude si aimable pour moi de dîner deux fois par semaine à la maison tout le temps que durera l’absence de sa mère [2]. Je te charge de plaider cette cause que je n’ai pas eu l’occasion de faire hier et je t’en remercie d’avance en t’aimant de toute mon âme.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 77
Transcription de Chantal Brière
a) Juliette écrit 24 mars.