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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mai 1863

Guernesey, 4 mai [18]63, lundi matin, 7 h.

Rebonjour, mon doux adoré, tu vas bien, moi aussi, nous nous aimons, il fait beau, soyons heureux. Quant à moi, je ne m’en faisa pas faute d’être heureuse dans ces conditions-là et je le suis de toutes mes forces et de tout mon cœur. Mes petits poulets, eux aussi, sont heureux de faire leur petit personnage dans mon herbe et sur mes petits pommiers. Il n’y a que ce pauvre Fouyou qui soit LÉSÉ, LÉSÉ, parfaitement LÉSÉ, dans toute cette répartition de joie, de bien-être et de bonheur. Je crains que cette injustice ne finisse par lui faire lever l’étendard de la révolte dans la personne d’un de mes petits privilégiés. Tout à l’heure il était au milieu du gazon les yeux tournés dans la direction du poulailler mais dès que je l’ai appelé il s’est enfui avec épouvante et regret d’avoir été surpris trop tôt en flagrant délit de convoitise et de maraudage. Hélas ! je crains que ce ne soit qu’un simple ajournement et que tôt ou tard il ne fasse griffe basse sur l’une de mes pauvres petites bestioles. En attendant, je te rabâche ces pauvretés, qui ont queues et têtes, mais rien que cela, et je t’aime de toute mon âme sans me ralentir jamais, au contraire.

BnF, Mss, NAF, 16384, f. 115
Transcription de Chantal Brière

a) « fait ».


Guernesey, 4 mai [18]63, lundi matin, 7 h. ½

J’espère que tes signaux [1] de santé et de joie sont aussi sincères que les miens, mon cher adoré, et que, comme moi, tu as passé une très bonne nuit. Tous mes bobos sont apaisésa, je n’ai plus qu’un peu de fatigue qui se dissipera sans que je m’en aperçoive. Du reste comment se mal porter de ce temps-là ? Il faudrait avoir un bien mauvais caractère ou n’être pas aimée de son cher petit homme. Dans ce dernier cas, ce ne serait pas la peine d’être malade mieux vaut mourir tout de suite. Donc, si tu m’aimes, comme je le crois, je me porte bien et je veux vivre autant qu’un bail emphytéotiqueb : 99 ans. Je ne t’accorde qu’une minute de plus, cela vous va-t-il ? Dites donc vilain PARESSEUX il ne vous suffit plus de venir à des neuf heures et demiec du soir il faut encore que vous ameniez deux écornifleurs de vos quelques minutes de [travail ?]. Si c’est comme cela que vous prétendez avancer dans vos notes, merci, les steeple-chasesd des tortues et des colimaçons pourront faire dix fois le tour du globe pendant que vous achèverez la lecture de votre quatrième volume de Barbier. DE MON TEMPS, cela ne se passait pas comme cela ; il est vrai que votre astre ne gravitait pas encore dans l’orbite du soleil Marquand et de la comète KESLER, ces deux entraînements irrésistibles. Allez donc TURLURETTE [2], comme on dit en littérature, et prenez votre temps et votre plaisir où vous les trouvez. Quant à moi, j’en ris dans… mon Barbier et je vous attends à cœur tendu. Pensez à apporter du papier pour vous et pour moi car il n’y en a plus que du trop BEAU. Sur ce baisez-moi et montrez-moi vos jambes.

BnF, Mss, NAF, 16384, f. 116
Transcription de Chantal Brière

a) « appaisés ».
b) « amphythéotique ».
c) « steple-chease ».
d) « demi ».

Notes

[1Juliette et Victor Hugo s’envoyaient des signes d’une maison à l’autre pour s’informer de leur état de santé et communiquer.

[2Eh ! allez donc, Turlurette ! : titre d’une revue de l’année 1862 de Chéri, Cogniard et Clairville, jouée aux Variétés le 22 décembre.

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