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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mars [1849], dimanche après-midi, 2 h.

Mon Dieu est-ce que je ne te verrai pas aujourd’hui, mon cher petit homme ? Il me semble que tu devrais aller à ta réunion électorale à 1 h. et ce soir dîner chez le roi Jérôme [1] ? S’il en est ainsi, à quel moment te verrai-je ? Je ne m’en rends pas très bien compte, aussi suis-je très maussade et très impatiente, non contre toi, mon doux aimé, mais contre les cent millea obstacles qui se mettent entre moi et toi. Il y a des moments où je suis toute prête à jeter le manche après la cognée et la Juju après le guignon. Et [le  ? Le  ?] Boulet [2] est-il venu ? Avez-vous fait affaire ensemble ? Entre nous je crois que ce serait une chose assez difficile vu la trop grande nouveauté du susdit service. Il n’y a pas un très grand mal puisqu’on était à regretter chez toi les assiettes et les compotiers restauration, avec et sans calembourb. D’ailleurs je me charge de t’offrir le coromandel [3] aussitôt le tirage des 12 000 francs. En attendant, je voudrais bien tirer un peu d’amour et de bonheur de vous, ce qui n’est pas facile, je ne le sais que trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 35-36
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « cent milles ».
b) « calembourg ».


4 mars [1849], dimanche soir, 10 h. ½

Je pense à toi, mon bien aimé, et je te désire de toutes mes forces tout en sachant que tu ne pourras pas venir ce soir. Je te remercie de ta bonne petite apparition. Ce n’était pas assez pour me rendre heureuse mais c’était suffisant pour m’empêcher d’être très malheureuse toute la soirée. Cela fait que j’ai pu jouir à mon aise et à tête reposée de la compagnie de l’aimable CÉLESTE [4] et de sa sœur. Si tu n’étais pas venu il est plus que probable que j’aurais très mal pris toutes ses gracieusetés et toutes ses platitudes. Grâce te soit renduea de ne m’avoir pas fait perdre une si belle occasion de m’ennuyer avec résignation et avec courage, merci, merci, Ô mon grand représentant, rien que pour cette belle action, je te donne ma voix en cœur et chœur aux prochaines élections [5]. En attendant, il paraît que nous aurons une gobloterie monstre très prochainement. J’ai prévenu Eugénie que tu comptais sur son génie inventif en cette occasion afin de susciter son émulation dans la composition de cette goinfrerie mirobolante. Quant à moi, je prête mon logis, mes assiettes… et le RESTE… à vous seulement, mais je ne me mêle pas du menu. J’ai bien assez de vous aimer en très gros.

Juliette

MVHP, MS a8153
Transcription de Michèle Bertaux et Joëlle Roubine

a) « rendu ».

Notes

[1Vraisemblablement Jérôme Bonaparte.

[2À identifier.

[3Nom – qui rappelle celui de la côte orientale de l’Inde – donné par les Anglais à une laque chinoise créée au XVIIe siècle. Exportée de Chine vers l’Europe, elle était transportée dans des jonques chinoises sur les navires des ports indiens.

[5Les 13-14 mai 1849 auront lieu les élections législatives.

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