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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 novembre [1844], dimanche matin, 10 h.

Bonjour mon petit Toto chéri, bonjour mon doux bien-aimé, bonjour mon Victor adoré. C’est aujourd’hui que tu vois la duchesse [1]. Je voudrais bien qu’elle pûta t’amener à résoudre cette difficulté pour laquelle jusqu’à présent tu n’as voulu rien faire. Je voudrais aussi que tu puissesb venir m’embrasser avant d’y aller et après en être revenu. Cela me ferait du bonheur pour toute la journée. Cependant je n’ose pas l’espérer car je sais combien tu es affairé et combien on doit attendre chez toi ton retour de chez la duchesse avec impatience. Je vous dis tout cela d’avance pour ne pas tant souffrir de la déception mais c’est un remède qui ne me réussit jamais. Quoi quec je pense, dise ou fasse, je t’attends toujours puisque je te désire et t’aime toujours. Quelle adorable lettre tu as écrite hier pour cette pauvre Joséphine, mon bien-aimé. D’y penser mon cœur se fond, je voudrais baiser tes pieds. Ta vie est un long bienfait : aux intelligents tu donnes ton génie sublime, aux nécessiteux tu donnes ta bonté divine. Pour tous tu es la providence visible ; aussi tu es adoré et béni de tout ce qui a un cœur en ce monde. Mon Victor chéri, je t’aime, je voudrais mourir pour toi. Je baise tes ravissants petits pieds.
Tâche de venir me voir en sortant des Tuileries, mon petit bien-aimé, j’ai tant besoin de te voir, tant besoin de te baiser que j’en suis impatiente. Il continue de faire un temps hideux. Heureusement que tu vas en voiture. Profites-en pour pousser jusque chez moi, mon petit homme chéri, tu me donneras de la joie pour toute la journée. Clairette le désire aussi. Tu as beau la taquiner elle te désire et sa petite frimousse rayonne dès que tu entres. Viens donc mon petit Toto. Tu es sûr de trouver de l’amour, des baisers, des sourires, de la joie et du bonheur à ton arrivée.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 9-10
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « put ».
b) « puisse ».
c) « quoique ».


3 novembre [1844], dimanche soir, 4 h. ¼

Tu ne sais donc pas combien je te désire, mon cher bien-aimé, que tu ne viens pas. Cependant ta visite [2] doit être faite depuis longtemps ? Mon Toto, tu ne sauras jamais ce que ton absence me fait souffrir car pour cela il faudrait que tu saches combien je t’aime, ce qui n’est pas possible. J’ai copié la lettre de M. Orfila pour que cette pauvre Joséphine puisse la lire et la savourer du premier mot jusqu’au dernier. Quel ange tu fais mon Victor adoré ! Laisse-moi te le dire au moins en écriture puisque j’ai si peu l’occasion de le faire en paroles. Tout à l’heure j’aurai probablement Mme Luthereau et toutes mes petites péronnelles. Je leur ferai goûter la fameuse patate ce soir, et puis nous BOIRONS à votre santé. J’ai besoin de noyer mes chagrins et puisque je ne peux pas avoir l’ivresse de l’amour je veux me donner celle du VIN. Je ne peux pas me passer de tout au monde, moi. Il me faut des COMPENSATIONS. Voime, voime et des fameuses, je m’en vante. Taisez-vous vilain monstre, vous devriez mourir de honte et de remords. Taisez-vous. J’ai un mal de tête hideux. J’ai une peur de chien qu’il ne dégénère en migraine ce qui serait peu flatteur pour ces pauvres enfants. Enfin, à la grâce de Dieu.
Voilà trois ou quatre fois que cette stupide Suzanne me fait de fausses joies en ouvrant la porte d’entrée pour un rien. Je lui ficherais des coups. Je n’ai pas besoin, moi, qu’on vienne me faire des bonheurs de cette nature. Je suis furieuse, je suis enragée. Si vous ne venez pas bien vite je suis capable de me porter à tous les excès.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 11-12
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

Notes

[1La duchesse d’Orléans, grande admiratrice et amie de Victor Hugo. Depuis le décès de son mari, elle continue de soutenir auprès du roi la candidature de Victor Hugo à la pairie.

[2Victor Hugo s’est rendu aux Tuileries en début d’après-midi, chez la duchesse d’Orléans.

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