Guernesey, 20 octobre 1858, mercredi matin, 7 h. ½
Bonjour, mon Dieu visible ; bonjour, mon rayon ; bonjour, ma joie ; bonjour, mon amour ; bonjour, mon bonheur ; bonjour. Je ne sais pas si tu persisteras dans ton projet de promenade tantôt et si le temps lui-même persistera dans son vent bourru et son ciel quasi grognon ; mais dans tous les cas, je serai trop heureuse de faire ce que tu voudras. Je vais tout à l’heure préparer mes clics et mes clacs à tout événement. De ton côté, tu n’as pas de temps à perdre pour avertir Grut et la voiture, voire même Quesnard si tu tiens à l’emmener avec nous. Dans tous les cas, mon cher petit homme, je te recommande de bien te rendre compte avant de l’état général et en particulier de ta santé et de celui du ciel qui me paraît assez suspect. Quant à moi, je tâcherai de mettre mes rhumatismes à la hauteur de ton courage et de ta confiance. Tant pis pour eux s’ils sont assez lâches pour se laisser vaincre par le baromètre. En attendant, j’ai le plaisir de tricoter mes pattes de mouches avec les vôtres et de mêler ma prose à votre poésie, ce qui est encore plus hardi que de risquer une promenade équinoxiale au bord de la mer le 20 octobre ! Sur ce permettez que je vous baise ex abrupto !
Bnf, Mss, NAF16379, f. 297
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette