Guernesey, 13 septembre 1858, lundi soir 8 h ¾
J’espérais te souhaiter un meilleur bonsoir aujourd’hui, mon cher bien-aimé, d’après la bonne et charmante journée d’hier mais voilà que ton vilain bobo se fait davantage sentir ce soir et paraît te fatiguer beaucoup. Quoique tu fasses tous les efforts pour cacher tes souffrances, il est impossible de ne pas s’apercevoir que tu ne vas pas aussi bien ce soir que dans la journée. J’espère que cela ne s’aggravera pas davantage mais c’est déjà bien trop que ces petites réminiscences viennent entraver et retarder si souvent ta complète guérison. Peut-être t’es-tu trop fatigué hier et aujourd’hui ? Il faudra te reposer davantage demain, mon pauvre adoré, et t’étendre dans la journée sur le matelas. En attendant je te plains, je t’aime, je suis triste et malheureuse de te sentir moins bien ce soir et pourtant j’espère, car c’est toujours là qu’on en revient, j’espère que tu iras mieux demain matin et que ce ne sera qu’une fausse peur. Je te recommande de ne pas trop te fatiguer ce soir à contempler la comète [1] dont toute la queue ne vaut pas pour moi le bout de l’ongle de ton petit orteil. Je me permets ce blasphème à distance pour ne pas vous faire horripiler de tout près et je vous aime autant de milliards de fois plus que le nombre multiplié des étoiles chauves et chevelues. Je vous adore.
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 261
Transcription d’Anne-Sophie Lancel, assistée de Florence Naugrette