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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mai 1837

7 mai [1837], dimanche matin, 10 h. 

Comment te portes-tu, mon cher petit homme bien-aimé ? Je crois que vous m’avez repassé votre rhume, vieux Toto. J’éternue. Sans bénédiction et sans interruption. Je suis fâchée d’avoir commandé mon bain pour deux raisons. La première c’est que je serai forcée de m’en retirer toute seule, tandis que j’avais compté sur un peu d’aide. La seconde c’est que mon rhume ne peut que croître et embellir à cette ablution. Jour, mon petit Toto. Vous êtes bien bon et moi bien méchante. C’est une vérité qui nous saute aux yeux à tous les deux et cependant ce n’est pas moi qui vous laisserais tout seul des journées entières pour aller promener ou pour faire les honneurs de mon salon à des MA DA MES [1]. Taisez-vous. Vous n’avez pas le droit de rien dire. Je vous aime moins, voilà ce qui fait ma méchanceté. Vous ne m’aimez pas, vous, voilà ce qui fait votre bonté. Et vous êtes diantrement trop bon. Jour vieux Toto. Je vais tâcher de ne plus vous aimer du tout. Avec ça c’est très facile. Je m’en fiche.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 135-136
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein


7 mai [1837], dimanche après-midi, 2 h. ¾

Que vous êtes aimé mon cher petit homme, et que vous vous en souciez peu. J’ai pris mon BAIN eh bien ? ça ne vous fait pas plus d’effet que ça. C’est ma foi bien la peine d’exposer son CORNU [2] sans en tirer plus de profit. Je suis outrée. Venez-y une autre fois, POLISSON. J’ai un froid de Toto. Je cherche avec avidité tous les petits coins de soleil qui se hasardent dans mon taudis et je les gobe sans pitié. J’ai été faire un tour dans mon garde-meuble aujourd’hui et j’en ai tiréa

Lundi 8 mai [1837], 11 h. ¾ du m[atin]b

Jour mon petit o. Je veux vous finir ma petite lettre d’hier parce qu’enfin il ne faut pas la jeter cette pauvre bête parce qu’elle est vieille. Jour mon petit Toto. Lanvin est arrivé. J’ai envoyé la bonne. La voici qui sonne.

Midi

Décidément, il y a une conspiration contre cette pauvre lettre. Mme Guérard vient de venir me conter ses doléances. Enfin elle est partie. J’ai lieu de me croire tout à fait seule et j’en profite pour vous dire mon cher bijou d’homme que je vous aime et que je vous adore. Jour je vous désire. Jour. Je vous attends.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16330, f. 137-138
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) À ce mot la phrase est interrompue. La lettre reprend le lendemain, sur la même feuille.
b) Cette lettre figure sur la même feuille que celle de la veille, interrompue.

Notes

[1L’espace ménagé entre les syllabes dit tout de l’insistance sur la formule. Juliette privilégie sciemment cet usage familier du mot qui normalement n’admet pas d’article ni de pluriel puisqu’il contient le possessif singulier.

[2Comprendre évidemment « corps nu ». Le choix du mot « cornu » autorise quelques conjectures. Juliette exprime peut-être ici un doute quant à la fidélité de Hugo. Mais il pourrait s’agir aussi d’autre chose : un cheval « cornu » (terme de vétérinaire) est un cheval chez lequel la hanche, très prononcée, forme une forte saillie. Or, des rumeurs ont couru au sujet d’une malformation congénitale de Hugo, suite aux dires de Renduel qui avait remarqué chez lui une hanche droite très proéminente.

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