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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 avril [1848], mercredi matin, 9 h.

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour, l’ÉLU de mon cœur. Bonjour, je vous proclame le premier citoyen de ma république et je vous mets à la tête de mon gouvernement définitif. Si cela ne vous dédommage pas de votre peu de succès parmi les Montagnards [1] vous serez difficile à satisfaire et d’une ambition un peu féroce. Mais je crois vous connaître assez pour savoir que l’honneur de me servir vous suffira et que vous ne regretterez pas amèrement votre INÉLECTION par ce beau peuple de Paris, CAPITALE de la civilisation et des arts. Voime, voime. Avec tout cela je voudrais savoir le résultat des votes pour connaître quels sont les heureux représentants appelés à se faire casser la GEULE et même la mâchoire par les amis de ce bon M. Blanqui [2]. J’avoue que j’attends avec impatience la publication de ces fameux représentants, des gifles, des baignes et autres gourmades nationales à l’usage de la liberté, de l’égalité et de la fraternité [3]. Vive la République !!!!!!a Je n’haïrais pas non plus un peu de soleil et beaucoup moins de rhumatisme car j’ai passé une fichue nuit dont je me ressens encore ce matin. Ce qui ne m’empêche pas de vous aimer, au contraire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 133-134
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
[Blewer, Souchon]

a) les points d’exclamations courent jusqu’au bout de la ligne.


26 avril [1848], mercredi midi

Je ne suis pas encore partie, mon bien-aimé, c’est pour cela que je te demandais hier une demi-heurea de VELOURSb. C’est que je pensais bien que je ne serais pas prête à l’heure. J’ai toujours comme tu sais trente-six chiens à fouetter dans la matinée, ce qui me prend beaucoup de temps. Et puis je suis un peu souffrante. J’ai passé une mauvaise nuit dont je suis encore toute courbaturée. Peut-être que l’exercice, la distraction me remettront et que je serai gaillarde tantôt. En attendant je fais une triste Juju. Nous verrons si vous viendrez à [4  ? ?] h. ½ comme vous avez l’air de le promettre en me faisant revenir à cette heure-là. Cependant j’en doute mais je n’en reviendrai pas moins à l’heure. Je suis si bien dressée qu’il n’y a pas de danger que je ne m’écarte jamaisc de la consigne. Fichtre, je ne voudrais pas m’y frotter avec un vieux durd à cuire comme vous. Baisez-moi et convenez que je suis une bonne Juju faites par vous et rien que pour vous.

BnF, Mss, NAF 16366, f. 135-136
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

a) « demie heure ».
b) « VELOUR ».
c) « je m’écarte jamais. »
d) « dure ».

Notes

[1Arrivé en 48e position avec près de soixante mille voix, Victor Hugo n’est pas élu représentant du peuple. Les démocrates-socialistes – communément appelés « Montagnards » –, qui n’obtiennent qu’une centaine de sièges à l’Assemblée, sont les grands vaincus de ce scrutin.

[2Allusion bien prémonitoire, puisque le 15 mai 1848, l’Assemblée sera envahie par des manifestants hostiles à la politique extérieure du pays. Les meneurs de cette manœuvre politique, Blanqui, Barbès, Raspail et Albert, seront arrêtés.

[3Les premiers résultats des scrutins sont publiés dans la presse dès le jeudi 27 avril 1848.

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