28 mars [1846], samedi matin, 9 h. ½
Bonjour mon petit homme adoré, bonjour mon cher bien-aimé, bonjour toi. Comment allez-vous ce matin ? Avez-vous été bien obéissant ? Avez-vous bien fermé la bouche et les yeux devant les belles dames hier ? Voime, voime, scélérat, c’est bien probable en effet et je crois que je peux dégainer mon Eustache [1] sans remords. Quant à moi je ne suis pas allée voir Joséphine. Je suis restée tranquillement auprès de mon feu jusqu’à 11 h. Après quoi je me suis couchée et j’ai très mal dormi jusqu’à ce matin. Depuis que je suis levée j’ai donné audience à ma portière et à mon portier, pour savoir ce qu’il y aurait à faire pour empêcher la pluie de faire un lac dans la petite entrée près de la cuisine. Jusqu’à présent on n’a rien trouvé.
Il faudra que le couvreur et le maçon soient appelés en consultation. En attendant, l’eau ruisselle chez moi voilà le plus clair. Et puis j’y pense maintenant n’était-ce pas pour aujourd’hui que vous deviez me prêter votre médaille pour aller au Salon ? Cette pluie m’en aurait empêchée ainsi vous avez bien fait de ne pas me l’apporter. Je crains qu’Eugénie ne vienne malgré cela ! Au reste le malheur ne sera pas grand, elle en sera quitte pour faire de la tapisserie ou pour s’en aller. J’attends Eulalie qui doit aller chercher Claire et la conduire chez son père [2]. J’attends surtout et par-dessus tout un Sieur Toto qui n’est jamais pressé de venir quoiqu’il se sache très désiré, très aimé et très adoré.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16362, f. 317-318
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette