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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 mars 1846

27 mars [1846], vendredi matin, 9 h. ¾

Bonjour mon petit Toto chéri, bonjour mon cher amour bien aimé, bonjour mon Victor adoré ; comment vas-tu ce matin ? As-tu bien dormi ? Je te demande pardon à genoux de t’avoir tourmenté cette nuit. Il fallait que je fusse hors de moi pour cela mais je n’en ai que plus de regrets après, parce que je sens que j’ai été injuste et méchante envers toi. Mon Victor bien aimé, mon doux ami, ma joie, mon âme, je t’aime. Je ne veux pas te tourmenter, au contraire. Aussi quoi qu’il arrive et quoi que tu fasses, tant que tu m’aimeras et que tu me seras bien fidèle, je me résignerai et je serai bien patiente. Tu verras que je tiendrai ma promesse. En attendant, je vais tâcher d’être très AIMABLE. Voime, voime. À l’impossible, nul n’est tenu. Ce dont je suis toujours sûre c’est de t’aimer de toute mon âme. Voilà ce à quoi je m’engage avec certitude ; le reste viendra s’il peut. Dites-donc, mon petit Toto, vous ne me donnez toujours rien à copier et cependant vous travaillez toujours. Je ne veux pas croire que vous refusez ma collaboration et que vous en préférez une autre, cependant je ne serais pas fâchée d’avoir la preuve du contraire. Et puis si je vous ennuie dites-le moi tout bonnement et je me tairai SANS MURMURER, ce qui sera un peu beau de ma part. Cher petit homme adoré je t’aime, je te baise, depuis pater jusqu’à amen.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 313-314
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette


27 mars [1846], vendredi après-midi, 3 h. ¼

Si tu reviens de bonne heure mon bien-aimé et si tu ne veux pas t’en aller j’aime mieux rester auprès de toi que de sortir. Si de ton côté tu as besoin de marcher, eh ! bien je sortirai pourvu que je sois avec toi voilà tout ce que je demande et tout ce qui peut me faire du bien. Tu es reparti bien vite tout à l’heure, mon Toto, c’est à peine si j’ai eu le temps de te voir. Du reste il est très rare que tu t’arrêtes davantage quand tu viens dans la journée mais pour moi je n’y suis pas encore habituée. Il me semble toujours que c’est une chose inattendue et que tu ne me donnes pas tout le bonheur que tu me dois. J’ai toujours envie de crier au voleur chaque fois que tu t’en vas. Absolument comme le Mascarille de Molière. Au voleur ! Au voleur ! Au voleur ! [1]
Si tu reviens tout à l’heure je ne dirai pas cela, au contraire, et je vous regarderai comme le plus honnête pair de France et de Navarre. Hélas ! je n’ose pas y compter. Je sais trop bien par expérience combien votre exactitude est chimérique. Je n’y croirai que lorsque je vous verrai. C’est plus prudent, sinon plus consolant. Jour Toto. Jour mon cher petit o. J’ai bien mal à la tête mais je vous aime. Je suis très bête mais je vous adore. Je souffre horriblement mais si vous venez tout à l’heure, je serai guérie car je vous baiserai de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 315-316
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Citation du poème de Mascarille dans Les Précieuses ridicules de Molière : « Votre œil en tapinois me dérobe le Cœur. / Au voleur ! Au voleur ! Au voleur ! Au voleur ! » 

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