Guernesey, 29 oct[obre 18]78, mardi matin, 7 h.
Bonjour, mon grand bien-aimé. Comment as-tu passé la nuit ? Bien, n’est-ce pas ? Moi de même, très bien, et je n’ai presque pas perdu de sang [1]. D’ailleurs, ne suis-je pas bien armée, en guerre contre tous les maux, si tu m’aimes, puisque ton amour c’est ma vie même ? Donc, cher adoré, pas de souci ni pour toi ni pour moi de ce côté-là et acceptons gaiementa les bobos, d’où qu’ils nous viennent. Quant à moi, je suis résolue à ne pas me laisser déguerpir de ton cœur : « J’y suis, j’y reste », c’est ma seule manière de vivre longtemps et heureuse ; qu’en dis-tu ? C’est de cette THE QUESTION que tout dépend. Moi, je ne peux qu’écouter la réponse et laisser faire à Dieu tranquillement et passivement. C’est le plus sage, en somme. Je vais continuer de faire mes rangements de maison et de malles pour être prête à partir dès que tu le voudras. Je pense que nous aurons des nouvelles de Meurice aujourd’hui, nous disant où en est le déménagement de la rue de Clichy [2]. Le mieux serait de pouvoir attendre ici [3] qu’il fût achevé, mais le Sénat [4] le permettra-t-il ? Autre the question. Quelleb que soit la réponse, il faut nous tenir prêts à partir. C’est ce que je fais de mon côté. Fais-en autant du tien et aime-moi comme je t’aime.
Monsieur
Victor Hugo
Hauteville House
Syracuse
[Barnett et Pouchain]
Transcription de Gérard Pouchain
a) « gaiment ».
b) « quel ».